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Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/380

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feu, et mit en œuvre le soufflet de fer jusqu’à ce qu’une vraie flamme s’élevât de l’âtre. Après s’être frotté les mains, pendant quelques instants, avec une expression de profonde jouissance, il devint plus calme ; un mauvais sourire se peignit sur ses traits, et il se dit à part lui :

— Ha, ha l’innocent ladre ! Il couperait un liard en quatre. Quand il lui faut donner un centime, il le tourne et retourne dix fois, comme si c’était une partie de son âme ! Bientôt il fera cuire de vieilles savates, parce qu’il est possible qu’elles aient été graissées dans le temps… Et il est si pauvre, oh ! si pauvre ! Comme si je ne savais pas pourquoi il ferme toutes les portes à double tour quand il est là-haut… Il fouille à cette heure à pleines mains dans les jaunets, le vieux grigou ! Bah ! il n’en restera que plus ; et je saurai bien faire qu’une bonne part me revienne…

Après un court silence il reprit d’un ton pensif :

— C’est étrange que le vieux diable s’inquiète de savoir ce qu’on fera de son argent après sa mort… Il est capable de faire le revenant la nuit… De toutes les folies du monde, l’avarice est bien la plus stupide. Aimer l’or, uniquement parce qu’il brille ! Autant vaudrait s’amouracher d’un tas de morceaux de porcelaine. Non, si l’or est le dieu du monde, son éclat n’y est pour rien. C’est le démon du docteur Faust : le tient-on en son pouvoir, un vœu est à peine exprimé qu’il est accompli ! Ah ! voilà comme j’aime l’or… plus encore que l’oncle Jean. Laissez mourir le vieux ladre ; il pourra venir s’informer si je continue à faire concurrence aux chiens du voisinage, à propos de pain noir bouilli dans l’eau