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Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/386

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— Non, pas un mot.

— Écoute donc. J’ai gagné à fendre du bois pour les cercles une assez jolie somme, tu le sais. Cette année, pour la première fois, nous pourrons mettre de côté quelque petite chose, le fermage et les contributions payés… Voilà que j’ai encore toute une voiture de bois fendu et, ce que la mère ne sait pas, je reçois pour chaque botte quelques cents[1] de plus qu’autrefois. Demain matin je vais en ville, je livre mon bois, on me paie, et je garde un peu d’argent sans que la mère puisse en rien savoir…

— Fi ! Barthélemy, dit la jeune fille d’une voix indignée ; sois sûr que je vais le dire tout de suite à la mère !

— Ne prends pas si vite la mouche, Jeannette ! Laisse-moi achever, — et si toi-même tu ne danses pas de joie, dis que je suis un menteur. N’as-tu pas vu, Jeannette, comme le mouchoir de cou de la mère est vilainement usé, et quel air misérable il a ?… Je suis presque honteux quand je la vois aller à l’église avec cette guenille…

— C’est pourtant bien vrai, Barthélemy ; j’ai déjà eu la même idée.

Ces paroles parurent réjouir le jeune homme, et ce fut avec animation qu’il répondit :

— Eh bien, Jeannette, sais-tu ? Non ? Je vais acheter pour la mère un beau grand mouchoir, mais si beau que madame Meulemans, la fermière du château, n’en a pas de plus beau ! Il sera tout rempli de fleurs rouges,

  1. Pièce de monnaie valant deux centimes.