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Page:Constant - De l'esprit de conquête, Ficker, 1914.djvu/71

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vigueur se déployoit dans la course rapide et dans l’élan prodigieux. Vous êtes comme lui d’un autre climat, d’une autre terre, d’une autre espèce que nous. Apprenez la civilisation, si vous voulez régner à une époque civilisée. Apprenez la paix, si vous prétendez régir des peuples pacifiques : ou cherchez ailleurs des instrumens qui vous ressemblent, pour qui le repos ne soit rien, pour qui la vie n’ait de charmes que lorsqu’ils la risquent au sein de la mêlée, pour qui la société n’ait créé ni les affections douces, ni les habitudes stables, ni les arts ingénieux, ni la pensée calme et profonde, ni toutes ces jouissances nobles ou élégantes, que le souvenir rend plus précieuses, et que double la sécurité. Ces choses sont l’héritage de nos pères, c’est notre patrimoine. Homme d’un autre monde, cessez d’en dépouiller celui-ci.

Qui pourroit ne pas applaudir à ce langage ? Le traité ne tarderoit pas à être conclu entre des nations qui ne voudroient qu’être libres, et celle que l’univers ne combattroit que pour la contraindre à être juste. On la verroit avec joie abjurer enfin sa longue patience, réparer ses longues erreurs, exercer pour sa réhabilitation un courage naguères trop déplorablement employé. Elle se replaceroit, brillante de gloire, parmi les peuples civilisés, et le système des conquêtes, ce fragment d’un état