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Page:Contes chinois publies par Abel-Remusat, 1827, tome troisieme.djvu/14

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Ma maison ayant changé de propriétaire, appartient maintenant à un homme riche.
Je vais donc, prenant sous mon bras mon Kin[1] et mes livres me retirer dans un autre village.
Je me suis défait des appartemens superbes que j’avais bâtis pour moi-même,
« Parce que je n’ai point voulu ruiner ma postérité, en lui léguant un aussi vaste édifice.
« Dans une période de cent ans, n’aurait-il pas fallu que cette maison changeât de maître ?
Ne vaut-il pas mieux la vendre tandis qu’elle est veuve que lorsqu’elle sera vieille ?
« Les pins, les bamboux et les fleurs de eï[2] sont compris dans le même marché.
« Mais mon Kin, mes livres, mes chiens et mes poulets m’accompagneront.
« L’acquéreur fixera le prix qu’il voudra pour les lambeaux de vieux poèmes[3] accrochés aux murailles.
  1. Instrument de musique à cordes. C’est une espèce de violon, mais dont les cordes se pincent. Les aveugles qui sont à la Chine en beaucoup plus grand nombre en proportion qu’en France, jouent d’ordinaire de cet instrument dans les rues pour gagner leur vie.
  2. La fleur Meï est célèbre dans toutes les compositions chinoises ; c’est celle d’une espèce d’amandier. (Amygdalus nana.)
  3. Il est d’usage, dans les maisons particulières, de suspendre aux murs des bandes de papier sur lesquelles sont écrites des sentences morales ou des vers tirés des anciens livres. Le sens en est ordinairement très-obscur.