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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/121

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lui être si funeste, il se trouva en état de quitter le lit une ou deux heures dans la journée. Pendant ces moments qu’il trouvait bien courts, Mrs Wilson, accompagnée d’Émilie et quelquefois de Jane, venait lui faire une lecture ; John ne le quittait pas, et le garde-chasse de sir Edward remarqua que les coqs de bruyère étaient devenus si familiers pendant que son jeune maître était au chevet de son ami, que le capitaine Jarvis était venu à bout d’en tuer un.

Le capitaine ne pouvait se dissimuler qu’il ne fût la première cause du malheur qui était arrivé ; il sentit aussi quelque honte d’avoir fui le danger au-devant duquel Denbigh s’était précipité pour sauver Émilie, et il prétexta, pour quitter le Doyenné, qu’il était rappelé à son régiment. Il partit, comme il était arrivé, dans le tilbury du colonel, avec son ami et ses chiens. John les vit passer de la fenêtre de Denbigh, et fit le vœu sincère que le capitaine choisît désormais un autre théâtre de ses exploits sur un gibier d’une nouvelle espèce, et qu’il avait l’avantage de trouver toujours, sinon sous sa main, du moins sur sa tête.

Le colonel avait pris congé de Jane, le soir précédent, avec les plus vives protestations qu’il n’allait plus vivre que dans l’attente de la retrouver à L***, où il se rendrait dès que son régiment aurait été passé en revue.

Pendant quelque temps, Jane n’avait pensé qu’au danger de Denbigh et au chagrin de sa sœur ; mais maintenant qu’ils étaient passés l’un et l’autre, elle se livrait à de mélancoliques rêveries sur l’absence de son amant, et se perdait dans la contemplation de ses vertus et de ses brillantes qualités.

En lui tout était parfait ; son ton, ses manières étaient à l’abri de tout reproche ; on ne pouvait révoquer en doute sa sensibilité : ils s’étaient attendris ensemble sur les malheurs de plusieurs héroïnes de romans ; ses opinions, son goût étaient sûrs, puisqu’ils étaient toujours les mêmes que ceux de Jane. Combien son caractère était aimable ! jamais elle ne l’avait vu en colère. Que sa tournure était gracieuse ! que ses traits étaient nobles ! Son jugement était infaillible : il la trouvait la plus jolie femme qu’il connût ; il était brave puisqu’il était militaire ; enfin le résultat de réflexions aussi justes était, comme Émilie l’avait prédit, que le colonel Egerton était un héros.

Egerton ne s’était point encore expliqué ouvertement. Jane savait, d’après son propre cœur et d’après tous les romans qu’elle