Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seigneur du lieu, et qui n’était bornée que par la belle vue du canal de Saint-George.

Tout dans ce superbe édifice parlait de la magnificence de ses anciens maîtres et du goût de celui qui l’habitait alors. Il était de forme irrégulière, mais chaque partie du bâtiment avait été construite d’après le style d’architecture le plus à la mode dans le moment où elle avait été érigée ; et maintenant, dans le dix-neuvième siècle, il offrait toute la magnificence que les barons déployaient dans le treizième, combinée avec le goût qu’avait épuré la civilisation des temps modernes.

Les tourelles élevées étaient colorées des vives teintes du soleil levant ; et les paysans du voisinage se rendaient à leurs travaux journaliers, lorsqu’une troupe nombreuse de domestiques vint se rassembler autour de l’équipage dont nous avons déjà parlé. La beauté des chevaux, la richesse de leurs harnais, l’élégance de la voiture, la superbe livrée des laquais, des postillons et des coureurs, tout attestait la fortune et le rang de leur maître.

Les postillons étaient prêts, attendant le signal du départ, lorsque les éclats de rire et les plaisanteries des domestiques firent place à un profond et respectueux silence ; un jeune seigneur et une dame venaient de paraître à la porte du château. Le jeune seigneur avait une taille imposante et les manières les plus distinguées ; mais en même temps il avait l’air si affable, que l’amour semblait avoir autant de part que l’obéissance à la promptitude avec laquelle ses gens s’empressaient d’exécuter ses ordres, et cherchaient même à les prévenir.

La dame était jeune aussi, et elle lui ressemblait beaucoup, tant pour les traits que pour l’expression de la figure. Le jeune seigneur avait un habit de voyage qui, contrastant avec le déshabillé du matin de la dame, annonçait qu’ils allaient se séparer. En effet, celle-ci lui prenant la main et la serrant dans les siennes, lui dit du son de voix le plus doux et avec l’accent de la plus vive affection :

— Ainsi, mon frère, vous me promettez de m’écrire cette semaine et de revenir celle d’après ?

— Je vous le promets, ma chère sœur ; et l’embrassant tendrement, il se jeta dans sa voiture, qui partit avec la rapidité de l’éclair. Aussitôt coureurs, piqueurs, jockeys, tous se précipitèrent sur les traces de leur maître, et bientôt ils disparurent au milieu