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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/219

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pas être longtemps heureuse au sein d’une pareille union, pour ne songer qu’aux preuves réitérées de tendresse que lui donnait son amant.

Un jour que John venait voir lady Chatterton, il trouva la voiture de lord Herriefield à la porte ; en entrant dans le salon, il vit les nouveaux mariés près de sortir avec Grace et sa mère. Ils allaient faire quelques courses de boutique dans Bond-Street : il tardait à Catherine de dépenser l’argent de la jolie bourse que son mari lui avait donnée, à son mari de faire parade de sa jolie femme, à la mère de montrer le succès de ses entreprises matrimoniales. Quant à Grace, elle accompagnait sa sœur pour obéir aux ordres de sa mère.

L’arrivée de John, qui n’avait rien de surprenant, puisqu’il venait presque tous les jours à la même heure, bouleversa tous ces projets. La douairière changea aussitôt de batterie, et elle s’écria avec une satisfaction évidente :

— Voilà M. Moseley qui vient fort à propos pour vous tenir compagnie, ma chère Grace. En effet, avec le mal de tête que vous avez, il n’eût pas été prudent de sortir, et il vaut beaucoup mieux que vous gardiez la maison. Non, ma bonne amie, je ne saurais vous permettre de venir avec nous ; il faut absolument que vous restiez ce matin ; je le désire, et, s’il le faut, je vous l’ordonne.

Lord Herriefield, en entendant ces mots, regarda sa belle-mère avec quelque surprise ; puis il jeta sur Catherine un coup d’œil de défiance qui semblait dire assez clairement : — Serait-il possible que j’eusse été leur dupe après tout ?

Grace n’était pas habituée à résister aux ordres de sa mère, et, ôtant son châle et son chapeau, elle reprit son ouvrage avec plus de calme qu’elle ne l’aurait fait s’il lui était resté encore quelques doutes sur les sentiments de Moseley.

En passant devant la loge du portier, lady Chatterton lui dit d’un air de mystère : — S’il vient quelqu’un, vous direz qu’il n’y a personne. — Il suffit, Milady, reprit le concierge. Et quand lord Herriefield monta dans la voiture et prit place à côté de Catherine, elle lui parut moins jolie qu’à l’ordinaire.

Lady Chatterton, qui avait déjà jeté les fondements du malheur de sa fille aînée en se donnant tant de peine pour lui faire contracter une union mal assortie, acheva son ouvrage en soulevant prématurément le voile qui cachait encore à son gendre son vé-