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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/222

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John s’arrêta ; Grace leva la tête ; il attendait impatiemment sa réponse ; mais elle continuait à garder le silence, et la pâleur de la mort était dans ses traits.

— J’espère que je ne vous ai pas offensée, ô ma bien-aimée ! vous qui m’êtes plus chère que la vie. Toutes mes espérances de bonheur se concentrent en vous ; dites, me refusez-vous ? Voulez-vous que je sois à jamais misérable ?

Grace, incapable de contenir plus longtemps son émotion, fondit en larmes ; et son amant, au comble de l’ivresse, l’attira doucement à lui ; elle pencha la tête sur son épaule, et murmura d’une voix presque éteinte quelques mots que John entendit à peine, mais qui ne lui permettaient pas de douter de son bonheur. Il était dans le ravissement. Il ne se mêlait plus aucun sentiment pénible à son ivresse ; Grace n’avait jamais pris part aux manœuvres de sa mère, il le savait ; mais il n’aurait pas voulu paraître se laisser prendre à un piège grossièrement tendu. Maintenant il ne cédait qu’à la douce influence de l’amour. Que de tendres aveux se firent les deux amants ! à quels doux épanchements ne se livrèrent-ils pas jusqu’au moment où la douairière rentra avec sa fille !

Un coup d’œil suffit à lady Chatterton pour découvrir ce qui s’était passé ; elle voyait des traces de larmes sur les joues et dans les yeux de Grace : c’en était assez pour elle, et lorsque celle-ci la suivit dans sa chambre, elle lui cria en entrant : — Eh bien ! ma chère, à quand la noce ? Savez-vous que vous me tuerez avec tous ces mariages coup sur coup ?

Grace ne craignit plus comme auparavant la redoutable entremise de sa mère, elle n’avait plus rien à redouter ; John lui avait ouvert son âme tout entière, et elle sentait que rien ne saurait plus l’empêcher d’être à elle, comme rien ne pourrait jamais l’empêcher d’être à lui.