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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/226

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Denbigh ne se fût pas marié, ils ne pouvaient jamais être unis ; et si quelques étincelles d’une affection mal éteinte brûlaient encore dans son cœur, si même, comme elle était parfois obligée de l’avouer, cette affection semblait renaître par intervalle avec autant de force que jamais, elle ne formait pas pour cela d’espérance chimérique, et ne rêvait pas un bonheur qui ne pouvait jamais se réaliser.

Elle résolut de redoubler d’efforts pour bannir entièrement de son cœur des sentiments qui naguère avaient fait sa joie, mais qui se trouvaient en opposition directe avec son devoir, sachant bien que ce serait faiblesse que de s’y abandonner, et qu’elle devait le sacrifice de son amour à son repos autant qu’à sa famille.

Mrs Wilson la regardait avec admiration. Tant de courage, tant de résignation dans un âge si tendre, et lorsque les illusions ont encore tant d’empire ! Si elle avait lieu de regretter que, malgré sa stricte vigilance, elle se fût laissé tromper sur le caractère de Denbigh, elle se consolait du moins en voyant que sa nièce avait si bien profité de ses leçons, et qu’avec l’aide de la Providence, loin de se laisser abattre, elle semblait puiser de nouvelles forces dans l’excès même de son malheur.

La triste impression que causa l’article du journal s’étendit sur tous les membres de la famille ; Denbigh leur était également cher, depuis qu’il avait sauvé les jours d’Émilie.

Une lettre de John, par laquelle il leur annonçait l’intention où il était de les rejoindre à Bath, pour leur demander leur consentement à son mariage avec Grace, vint heureusement faire quelque diversion à l’accablement général. M. Benfield seul semblait insensible. Il aimait John comme son neveu, et il trouvait que Grace ferait une très-bonne petite femme ; mais ni l’un ni l’autre n’occupaient dans son cœur la même place qu’Émilie et que Denbigh.

— Peter, dit-il un jour après s’être épuisé en conjectures pour découvrir ce qui avait pu faire avorter si subitement un mariage qui lui semblait immanquable, n’avais-je pas raison de vous dire que la Providence bouleverse parfois tous nos projets, pour nous apprendre à nous humilier dans cette vie ? Pourtant, Peter, si lady Juliana n’avait consulté que son inclination en se mariant, elle serait à présent maîtresse de Benfield-Lodge.

— Oui, Votre Honneur ; mais que serait devenu alors l’article