Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

geant à la réunion bizarre qui allait se trouver chez lui lorsque les Jarvis seraient arrivés. Dans ce moment même leur voiture s’arrêta à la porte. Le docteur les ayant présentés au baronnet et à sa famille, miss Jarvis fit des excuses assez joliment tournées de la part du colonel, qui ne se trouvait pas encore assez bien pour sortir, mais dont la politesse n’avait pas voulu permettre qu’ils restassent à cause de lui. Pendant ce temps, M. Benfield avait mis ses lunettes avec beaucoup de sang-froid, et, s’avançant d’un air délibéré vers l’endroit où le marchand s’était assis, il l’examina de la tête aux pieds avec la plus grande attention ; puis il ôta ses lunettes, les essuya soigneusement, et se dit à lui-même en les remettant dans sa poche : — Non, non, ce n’est ni Jack, le cocher de fiacre, ni le valet de chambre de lord Gosford ; mais ajouta-t-il en lui tendant cordialement la main, c’est bien l’homme à qui je dois mes vingt mille livres sterling.

M. Jarvis, à qui une sorte de honte avait fait garder le silence pendant cet examen, répondit alors avec joie aux avances du vieillard, qui s’assit à côté de lui ; et sa femme, dont les regards avaient pétillé d’indignation au commencement du soliloque, voyant que, de manière ou d’autre, la fin du discours, loin d’humilier son mari, lui faisait au contraire une sorte d’honneur, se tourna d’un air de complaisance du côté de Mrs Yves, pour la prier d’excuser l’absence de son fils : — Je ne puis deviner, Madame, où il est fourré ; il fait toujours attendre après lui ; puis se tournant vers Jane : — Ces militaires, ajouta-t-elle, prennent l’habitude de se gêner si peu, que je dis souvent à Henry qu’il ne devrait jamais quitter le camp.

— Vous devriez dire la caserne, ma chère, s’écria effrontément son mari ; car de sa vie il n’a été dans un camp. Cette observation resta sans réponse ; mais il était évident qu’elle déplaisait souverainement à la mère et à ses filles, qui n’étaient pas peu jalouses des lauriers du seul héros que leur race eût jamais produit. L’arrivée du capitaine lui-même changea la conversation, et l’on vint à parler des agréments de leur résidence actuelle.

— De grâce, Madame, dit le capitaine, qui s’était assis familièrement auprès de la famille du baronnet, pourquoi donc appelle-t-on notre maison le Doyenné ? Je crains d’être pris pour un enfant de l’Église, lorsque j’inviterai mes amis à venir chez mon père au Doyenné.