Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos douleurs. J’ai besoin de votre amitié, ma sœur ; ne repoussez pas la mienne. Songez que nous avons des devoirs à remplir. Serons-nous assez égoïstes pour ne songer qu’à nous seules ? Nous avons des parents, Jane, des parents dont le bonheur dépend de celui de leurs enfants. Pourquoi donc les affliger dans ce qu’ils ont de plus cher ? Pourquoi ne pas faire un effort sur nous-mêmes pour reprendre notre train de vie habituel, et leur cacher du moins ce que nous souffrons ?

— Ah ! s’écria Jane, comment voulez-vous que je paraisse de nouveau dans le monde, lorsque je sais que tous les yeux sont fixés sur moi avec une curiosité maligne, pour voir comment je supporte mon désappointement ? On ne vous soupçonne pas, vous, Émilie ; on ne connaît pas votre situation. Il vous est facile d’affecter une gaieté que vous ne ressentez pas.

— Je n’affecte point de gaieté, répondit Émilie avec douceur ; mais n’y a-t-il point quelqu’un qui nous regarde, et dont le jugement est pour nous d’une tout autre importance que celui du monde ? Nous avons été trompées toutes deux, ma pauvre sœur, efforçons-nous du moins de n’être pas coupables.

— Je donnerais tout au monde pour quitter Bath à l’instant même, s’écria Jane ; la ville, ses habitants, tout m’y est odieux.

— Soyons plus charitables, ma chère Jane, et ne rejetons pas sur tous les hommes les torts de quelques-uns d’entre eux.

Jane ne fut pas convaincue, mais cependant elle sortit plus calme de cet entretien. Émilie éprouvait aussi une sorte de soulagement d’avoir ouvert son cœur à son amie ; et depuis ce moment les deux sœurs cherchèrent avec plus d’empressement les occasions de se trouver ensemble : la sympathie les avait rapprochées, et se prêtant un appui mutuel, elles éprouvaient moins de gêne et d’embarras dans les sociétés où les convenances les obligeaient de paraître.

Malgré son courage et ses résolutions, Émilie ne craignait rien tant que de revoir Denbigh. Ce fut donc avec le plus grand plaisir qu’elle apprit que lady Laura venait de partir avec son frère pour aller rejoindre le colonel chez son oncle, dont la santé continuait à donner de vives inquiétudes.

Mrs Wilson et Émilie soupçonnèrent que la crainte de les rencontrer l’avait empêché de venir à Bath, comme il l’avait projeté, et elles lui surent gré du moins d’une délicatesse dont Egerton ne