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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/254

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avec empressement l’occasion de renouveler. Il se fit présenter par le commandant du vaisseau sous le nom de M. Harland, et lady Chatterton ayant mis en jeu tous les ressorts de son génie pour apprendre ce qu’il était, où il allait, et pour quel motif, parvint bientôt à recueillir les détails suivants :

Le révérend et honorable M. Harland était le plus jeune fils d’un comte irlandais, et il était depuis quelque temps dans les ordres. Il venait de prendre possession d’une belle cure qui était à la nomination de la famille de son père. Le comte vivait encore, et il était dans ce moment avec sa femme et sa fille à Lisbonne, où il avait conduit son fils aîné qu’une lente consomption entraînait dans la tombe, et auquel les médecins avaient recommandé l’air du midi. Le devoir qui retenait le jeune ministre au milieu de ses paroissiens l’avait empêché d’être du voyage ; mais la prière d’un frère mourant, qui lui écrivait de se hâter s’il voulait l’embrasser encore, le désir de porter des consolations à ses malheureux parents l’avaient décidé à ne plus différer de les rejoindre.

La découverte du rang de leur nouvelle connaissance ; la probabilité qu’il allait hériter de la pairie, augmentait beaucoup son importance aux yeux de la douairière ; tandis que ses chagrins, sa piété sans affectation, ses vœux désintéressés pour la guérison de son frère, lui assuraient l’estime de ses autres compagnons de voyage.

Il semblait y avoir une sorte de sympathie entre Jane et Harland, quoique leurs chagrins provinssent de causes bien différentes. La mélancolie empreinte sur les traits de Jane ajoutait un nouveau charme à sa beauté, et son image séduisante venait souvent se placer entre le ministre et ses tristes pensées.

Leur voyage ne présenta aucun incident remarquable, et longtemps avant d’avoir atteint le but, la douairière avait assuré à sa fille que Jane serait comtesse avant peu. Grace désirait bien sincèrement qu’elle ne se trompât point dans ses conjectures, et que sa nouvelle sœur fût aussi heureuse que tous les parents de John lui paraissaient le mériter.

Ils entrèrent de grand matin dans la rade de Lisbonne, et comme le vaisseau y était attendu depuis quelques jours, M. Harland y trouva une barque qui avait été envoyée au-devant de lui, et qui lui apportait la triste nouvelle de la mort de son frère. Il s’y jeta précipitamment, et fit faire force de rames pour arriver