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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/282

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et ses commandements, et je suis sûre que lors même qu’il serait libre, et que vous fussiez seule au monde, sans autre guide que vous-même, vous ne vous oublieriez jamais au point de consentir à lui donner votre main. Mais ce n’est pas assez ; ne sentez-vous pas comme moi que tous vos efforts doivent tendre à bannir à jamais de votre cœur un homme qui ne mérite pas d’y occuper plus longtemps la place qu’il a indignement usurpée ?

— Oui, sans doute, dit Émilie d’une voix tremblante et qu’on entendait à peine, et c’est l’objet de toutes mes prières.

— Très-bien, mon enfant, dit Mrs Wilson en l’embrassant ; avec de tels moyens, et grâce à de constants efforts, vous finirez infailliblement par triompher de vos plus grands ennemis, de vos passions. Les obligations qui sont imposées à notre sexe sont bien pénibles, je le sais, mais nous n’en avons que plus d’honneur à les remplir.

— Oh ! comment ne serait-on pas trompé par les apparences, si… s’écria Émilie en serrant ses mains l’une contre l’autre avec énergie, si un homme tel que Denbigh a pu se laisser aller… à autant de bassesse, voulait-elle dire, mais la honte lui imposa silence.

— Il est heureusement peu d’hommes qui sachent se couvrir aussi habilement du voile de l’hypocrisie. L’exemple de Denbigh fait exception à une règle sacrée : que l’on reconnaît l’arbre à ses fruits. Il m’a prouvé que, malgré nos précautions et notre prudence, nous pouvons nous tromper encore. Le seul moyen de diminuer le danger, c’est d’être continuellement sur nos gardes ; et si c’est un devoir pour les jeunes personnes, c’en est un bien plus impérieux encore pour leurs parents, qui ne peuvent jamais le négliger sans crime.

Émilie, qui pendant ce discours avait repris quelque empire sur ses sentiments, pressa en silence la main de sa tante contre ses lèvres, et s’éloigna la première d’un lieu où tout lui parlait trop de celui dont il lui fallait bannir l’image de son cœur.

Elles reprirent sans se parler le chemin de la maison, et à leur retour elles trouvèrent heureusement une lettre de Julia, qui fit quelque diversion aux tristes pensées qui les occupaient. Elle leur annonçait son prochain départ, et le désir qu’elle avait de prendre congé d’elles à Londres avant de quitter l’Angleterre. Comme elle indiquait l’époque probable où le vaisseau sur lequel