Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa bravoure et son uniforme, et lady Timo déplora la perte de la splendeur en herbe de sa noblesse naissante.

— Et comment tout cela s’est-il terminé ? demanda Mrs Wilson.

— Tandis que le digne trio se querellait, le ministère de la guerre coupa court à toutes les tentatives des deux dames pour engager le capitaine à renoncer à son projet en acceptant la démission qu’il avait offerte. Je crois que son général avait entendu parler de la bassesse de son caractère ; mais, avant de vérifier les rapports qui lui étaient faits à ce sujet, il fit appeler le capitaine, et lui demanda une sincère déclaration de ses principes.

— Et quels peuvent être les principes de ce pauvre garçon ? demanda sir Edward, d’un air de pitié.

— Des principes républicains, répondit M. Haughton.

— Républicains ! s’écria-t-on de toutes parts.

— Oui, il prétendit que liberté et égalité était sa devise, et que son cœur lui défendait de se battre contre Buonaparte.

— La conclusion est singulière, dit M. Benfield. Je me rappelle que, pendant que je siégeais au parlement, il y avait dans la chambre un parti qui ne jurait que par ces deux grands mots ; mais lorsque ceux qui le composaient eurent le pouvoir en main, le peuple ne me parut pas jouir de plus de liberté qu’auparavant. Je présume que, se voyant parvenus à des postes importants, et qui laissaient peser sur eux une grande responsabilité, ils n’osèrent point mettre leurs théories en pratique, de peur de l’exemple.

— Beaucoup de gens aiment la liberté tant qu’ils sont esclaves, et la détestent dès qu’ils sont devenus maîtres, dit John en riant.

— Le capitaine Jarvis, à ce qu’il me semble, dit M. Haughton, s’en est servi comme d’un préservatif contre le danger d’exposer sa précieuse vie. Pour éviter les quolibets qui pleuvaient sur lui de toutes parts, il a consenti à céder au désir de son père ; il est retourné à Londres, et il est maintenant marchand dans la Cité.

— Puisse-t-il y rester ! s’écria John, qui, depuis la scène du berceau, pouvait à peine souffrir d’entendre prononcer son nom.

Amen ! dit Émilie d’une voix si basse qu’elle ne fut entendue que de son frère.

— Et sir Timo ; demanda John, qu’est devenu ce bon, cet honnête marchand ?

— Il a abandonné son titre ; il ne veut plus être appelé que M. Jarvis, et il s’est fixé dans le comté de Cornouailles. Son noble