Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

aimable en s’approchant d’elles, que, selon vous, Campbell était le plus harmonieux de nos poètes ? Vous ne refuserez pas sans doute de faire une exception en faveur de Moore.

Jane rougit en répondant avec un peu d’embarras : — Moore est assurément un de nos poètes les plus distingués.

— A-t-il fait beaucoup de vers ? demanda innocemment Émilie.

— Pas la moitié de ce qu’il aurait dû, s’écria miss Jarvis ; c’est si beau tout ce qu’il a écrit ! Ah ! je lirais ses poèmes toute la journée.

Jane ne dit plus un mot ; mais le soir, lorsqu’elle fut seule avec Clara, elle prit un volume des poésies de Moore, et le jeta au feu. Sa sœur lui demanda naturellement l’explication de cette conduite.

— Ah ! s’écria Jane, je ne puis souffrir ce livre depuis que cette miss Jarvis en parle avec tant d’intérêt. Je crois en vérité que ma tante Wilson a raison de ne pas souffrir qu’Émilie fasse de pareilles lectures. Jane avait souvent lu avec autant d’avidité que de plaisir ces poésies séduisantes et voluptueuses ; mais l’approbation de miss Jarvis, d’une personne dont les manières étaient aussi libres et aussi cavalières, les lui avaient fait prendre en horreur.

Cependant le colonel Egerton avait aussitôt changé de discours, et se mit à parler de ses campagnes en Espagne. Il avait le talent de donner de l’intérêt à tous ses récits, qu’ils parussent ou non vraisemblables ; et comme il ne contrariait jamais personne, qu’il cédait toujours de bonne grâce, et surtout s’il avait une dame pour adversaire, sa conversation plaisait infiniment, et on lui trouvait d’autant plus d’esprit qu’il savait faire ressortir celui des autres.

Un pareil homme, ayant pour auxiliaires les dehors les plus séduisants et le ton le plus aimable, était une société bien dangereuse pour une jeune personne ; Mrs Wilson le savait ; et comme son séjour devait se prolonger pendant un ou deux mois, elle résolut de sonder le cœur de sa nièce, et de savoir ce qu’elle pensait de ses nouvelles connaissances.

Pendant que le colonel racontait ses prouesses, John avait eu quelque envie de lier conversation avec miss Jarvis, et il allait lui parler avec extase des poésies licencieuses de Little, lui demander si elle n’en admirait pas aussi les mélodies, lorsque les