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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/381

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qu’il médita l’infâme projet que l’arrivée seule de Pendennyss l’avait empêché de mettre à exécution. Tel était l’aveuglement de l’insensé (et c’est où nous conduit la fatale influence de nos passions), qu’il ne croyait pas commettre un crime, et qu’il regardait son attentat comme une de ces fautes légères que tout gentilhomme peut se permettre impunément.

Malheureux ! ignorais-tu que dans une autre contrée, dans un pays où les lois auraient eu leur puissance, ton infâme tentative aurait pu te coûter la vie ?

Pendennyss ne s’était pas trompé, Egerton, caché dans la voiture, avait vu la figure de celui qui s’était interposé entre lui et celle qu’il voulait rendre sa victime. Il ne voulut pas le tuer, à moins de nécessité absolue ; mais il voulait pouvoir s’échapper, et s’échapper avant d’être reconnu. Heureusement il réussit du premier coup à démonter le comte, qui sans cela eût été probablement sacrifié à la sûreté et à la réputation d’un homme dont l’honneur était établi sur des bases si solides, quoique personne ne fît moins de cas cependant de l’estime des gens de bien que le colonel Egerton.

Tandis que Julia était dans la cabane des paysans espagnols, et qu’Egerton méditait sa perfidie, il s’était bien gardé de laisser connaître à qui que ce fût qu’il eût une femme sous sa protection.

Avant d’entreprendre un voyage pendant lequel il espérait exécuter ses coupables projets, il attendit que le corps d’armée qui occupait cette partie de l’Espagne se fût éloigné, et lui eût laissé le champ libre.

Lorsque l’arrivée inattendue de Pendennyss vint s’opposer à ses odieuses tentatives, et qu’il l’eut mis hors d’état de le poursuivre, il pensa que la fuite était le seul parti qui lui restât ; et craignant que sa voiture ne le fît reconnaître, il l’abandonna bientôt et se jeta dans les bois. De peur d’être découvert, il jugea prudent de changer de route ; prétextant le vif désir qu’il éprouvait de se trouver à la bataille qu’on allait livrer, il rejoignit secrètement son corps d’armée, et la valeur du colonel Egerton occupait plusieurs lignes du bulletin du lendemain.

Sir Herbert Nicholson commandait le poste avancé auquel arrivèrent le comte et dona Julia, et comme tout homme d’honneur l’eût été à sa place, il fut indigné de la conduite de l’officier