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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/78

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yeux serait tombé, elle ne cessât de l’estimer, et par conséquent de l’aimer, lorsque le mal serait sans remède.

Les inquiétudes de Mrs Wilson sur le sort de Jane lui semblaient un avertissement de redoubler de prévoyance pour éviter de semblables malheurs à celle dont le bonheur lui était confié.

Émilie Moseley venait d’atteindre sa dix-huitième année, et la nature l’avait douée d’une vivacité et d’une innocence qui la faisaient jouir, avec la simplicité et l’enthousiasme d’un enfant, des plaisirs de cet âge heureux. Elle était sans art, et son esprit et son enjouement pétillaient dans ses yeux ; heureuse du calme de sa conscience et de l’amour de ses parents, elle avait la sérénité et la piété d’un ange.

Grâce aux soins de sa tante et à son intelligence, elle excellait dans tous les petits ouvrages de son sexe ; elle était instruite sans pédanterie, et elle consacrait quelques heures chaque jour à augmenter ce trésor pour l’avenir, en lisant avec Mrs Wilson les bons ouvrages à la portée d’une jeune personne. On pouvait dire qu’Émilie n’avait jamais lu un livre qui contînt une pensée ou qui pût faire naître une opinion inconvenante pour son sexe ou dangereuse pour ses principes, et toute la pureté de son âme se peignait sur son front, siège de la candeur et de l’innocence.

Mais plus Mrs Wilson admirait la fraîcheur de cette jeune plante qu’elle avait cultivée avec tant de soin, plus elle s’efforçait d’écarter loin d’elle tous les souffles contagieux qui auraient pu la flétrir. Émilie était dans cet âge où l’âme expansive s’ouvre aisément à toutes les impressions, où les sentiments ont une vivacité qui, bien dirigée, produit les plus heureux résultats, mais qui, lorsqu’elle n’est pas guidée par l’expérience, peut entraîner dans une fausse route d’où il est bien difficile de revenir. Mrs Wilson sentit qu’elle avait plus que jamais besoin de ses conseils, et qu’il ne fallait pas la perdre un seul instant de vue à cette époque critique, si elle ne voulait pas laisser son ouvrage imparfait.