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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/134

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arrière-pensée aux chances incertaines du mariage, sont souvent trompées, quelle lutte affreuse la victime doit soutenir pour conserver le plus longtemps possible l’illusion qui l’avait d’abord séduite ! Mais, lorsque d’égoïstes calculs sont la cause du mal, un entraînement naturel, qui nous est, je crois, soufflé par le diable, nous porte à aggraver nous-mêmes nos peines, au lieu d’essayer de les adoucir.

— Tu ne parles pas du mariage comme quelqu’un qui a lieu d’en être satisfait, pauvre Gaëtano.

— Je t’ai dit que ce que j’avais craint n’était que trop vrai, répondit le Génois avec un profond soupir. Ma naissance, ma fortune, un beau nom, engagèrent les parents de ma femme à la presser de consentir à une union que ses sentiments ne la portaient pas à former. Elle connut l’indignité de celui qui avait captivé sa jeune imagination ; sa raison condamnait son cœur, et cette découverte fut un puissant allié en ma faveur. Je fus accepté comme un remède pour une blessure, et mon rôle, difficile pour un homme bon, était intolérable pour un homme fier. La malheureuse Angiolina mourut en donnant naissance à son premier enfant, le fils dont je t’ai tant parlé. Elle trouva au moins le repos au fond de la tombe.

— Elle n’eut pas le temps de connaître tes nobles qualités, Gaëtano ; sans cela, je parie, sur mon existence ! qu’elle t’eût chéri comme tous ceux qui te connaissent, répondit le baron avec chaleur.

— Je te remercie de ta bonne opinion en ma faveur, mon ami ; mais fais attention aux mariages de simple convenance ; il peut y avoir de la folie à donner à une inclination légère le nom de ce sentiment profond, de cette secrète sympathie, qui unissent si intimement les cœurs, et, sans aucun doute, une égale fortune peut être un motif d’union parmi les gens du monde ; mais ce n’est pas là l’union sainte qui entretient de nobles qualités dans les familles, et qui fortifie contre les séductions du monde, qui sont déjà trop fortes pour les honnêtes gens. Je me rappelle avoir entendu dire à une personne qui avait une grande connaissance du cœur humain, que les mariages d’argent avaient du moins l’inconvénient d’enlever à une femme son plus grand charme, celui de sa supériorité sur les sentiments vulgaires et les calculs mondains, et que toutes les unions dans lesquelles ces calculs l’emportent deviennent nécessairement égoïstes