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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/165

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votre père, une tendre affection pour tout ce qui lui appartient, me serviront d’excuse. Jusqu’à ce que nous connaissions le fond de vos pensées, ma chère fille, ni votre père, ni moi, ne pouvons prendre une décision.

Adelheid resta longtemps silencieuse et pensive, quoique tous les sentiments de son cœur, et ce dévoûment qui résulte des premières et poétiques illusions de l’amour, la tentassent de déclarer qu’elle sacrifiait avec ardeur toute considération à sa pure tendresse. Cependant l’opinion, avec sa main de fer, la retenait encore et lui montrait l’inconvenance de braver à la fois tous les préjugés du monde. Sa timidité de femme était bouleversée ; elle craignait en même temps de faire trop ou trop peu pour son amour : une fille aussi dévouée qu’elle l’était ne pouvait non plus rester sans crainte sur l’effet que produirait sa décision relativement au bonheur futur de son père.

Le seigneur génois comprit le combat qui avait lieu dans l’âme d’Adelheid ; il prévit aussi la manière dont il se terminerait, et il résuma lui-même ce qu’il supposait que la fille de son ami allait répondre, tant par le désir généreux de donner à Adelheid le temps de la réflexion, que pour suivre le cours naturel de ses pensées.

— Il n’y a rien de certain dans notre étrange destinée, dit-il. Le trône, les richesses, la santé, même les affections les plus sacrées, sont sujets au changement. Il faut donc peser toutes les chances de bonheur avant de prendre une détermination finale dans quelque grande ou nouvelle mesure. Tu connais les espérances avec lesquelles je suis entré dans la vie, Melchior, et les tristes désappointements qui remplissent le terme de ma carrière. Il n’y avait pas en Italie de jeune homme plus confiant dans l’avenir, plus joyeux que je ne l’étais, le jour où je reçus la main d’Angiolina, et cependant deux seules années détruisirent ces espérances et ce bonheur ; un nuage s’étendit sur ma destinée, il n’a pas encore disparu. Un mari sans femme, un père sans enfant ne peut pas être un mauvais conseiller dans un semblable moment, mon ami.

— Ton esprit retourne naturellement à ton malheureux fils, pauvre Gaëtano, tandis qu’il est si cruellement question de l’avenir de ma fille.

Le seigneur Gaëtano tourna ses regards vers son ami ; mais l’expression de souffrance qui passait sur son visage lorsque son