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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/171

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t’attendrons, révérend moine, demain matin, car l’été n’a pas été chaud, le raisin est beau, et le vin commence à emplir nos cuves. Tu y puiseras sans que personne te regarde, soit dans le rouge, soit dans le blanc, et tu seras le bien-venu.

— Grand merci, généreux Benoît ; saint Augustin se rappellera ta bienfaisance, et tes vignes n’en deviendront pas plus mauvaises pour ta générosité. Nous ne demandons que pour pouvoir donner, et nous ne recevons personne plus volontiers que les honnêtes Vaudois ; que les saints leur conservent leur ferveur et leur bonne volonté !

— Oh ! nous ne voulons rien avoir à démêler avec tes saints ; tu sais que nous sommes des sectateurs de Calvin dans le pays de Vaud. Mais qu’est-ce que cela nous fait que tu ailles à la messe, tandis que nous aimons un service plus simple ? Ne sommes-nous pas également des hommes ? Le froid ne glace-t-il pas les membres des catholiques comme ceux des protestants ? ou l’avalanche respecte-t-elle l’un plus que l’autre ? Je ne t’ai jamais entendu, ni aucun de ceux de ton couvent, questionner sur sa foi le voyageur transi ; tous sont chauffés, nourris, et soignés au besoin, comme des chrétiens le méritent, et avec un soin paternel. N’importe ce que vous pensez de l’état de nos âmes, vous rendez à nos corps les services dont ils ont besoin. Ai-je raison, voisins, ou le vieux Benoît est-il un lunatique ? mais il a si souvent traversé le Saint-Bernard, qu’il a oublié les querelles de nos différentes églises, et l’assurance que nous donnent nos savants, qui prétendent que nous irons au ciel par des routes différentes.

Un mouvement général parmi le peuple et de bruyants applaudissements appuyèrent les sentiments et la franchise du paysan ; car, dans ce siècle, les hospices du Saint-Bernard étaient plus exclusivement un refuge pour le pauvre voyageur qu’à présent, et ils jouissaient d’une réputation bien méritée dans tous les pays environnants.

— Tu seras toujours le bien-venu sur le passage du Saint-Bernard, toi et tes amis, et tous ceux qui s’y présenteront sous la forme humaine ; et nous ne combattrons tes opinions que par de secrètes prières, répondit le bon quêteur dont la face ronde brillait de sa joie habituelle et de la reconnaissance que lui inspirait ce témoignage public de la vénération que l’on éprouvait pour son couvent ; nous pouvons encore ajouter que cette joie était peut-être augmentée par l’espérance d’une ample moisson