Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Maso poussa hors de la chambre le garçon qui les avait servis ; lui glissa dans la main une petite pièce de monnaie, et lui ordonna de ne plus revenir. L’état des convives répondait suffisamment à ses vues, et il désirait à présent prévenir de plus grands excès.

— Voici la mascarade, les dieux, les déesses, les bergers et leurs filles, et toutes les autres folies, qui viennent nous égayer ! Il faut rendre justice aux Veveysans, ils nous traitent à merveille ! Vous voyez qu’ils envoient leurs acteurs pour nous distraire dans notre solitude.

— De la liqueur ! du vin, vieux ou nouveau, peu importe, nous en voulons ! crièrent tout d’une voix Conrad, Pippo et leurs compagnons, dont la raison était beaucoup trop obscurcie pour qu’ils se fussent aperçus de l’obstacle que Maso avait mis à leurs désirs : ils en conservaient cependant assez pour s’imaginer que ce qu’il avait dit de l’attention de l’autorité était non seulement vrai, mais mérité.

— Qu’en penses-tu, Pippo ? Est-ce parce que tu es honteux d’être surpassé dans ton propre métier, que tu demandes ainsi à boire au moment où les acteurs vont déployer leur talent sur la place ? dit le marin. Nous aurions, en vérité, une faible opinion de ton mérite, si tu étais effrayé de la concurrence de quelques paysans vaudois ; toi, un Napolitain !

Pippo jura qu’il défiait le plus adroit des Suisses ; que non seulement il avait joué dans tous les lieux publics et sur tous les môles de l’Italie, mais qu’il avait eu aussi l’honneur de divertir en particulier des princes et des cardinaux, et qu’il n’avait pas un seul rival de l’autre côté des Alpes. Maso profita de son avantage et, continuant d’exciter sa vanité, il parvint bientôt à lui faire oublier toute autre idée, et l’attira vers la fenêtre avec tous ses camarades.

Les processions, en faisant le tour de la ville, étaient enfin arrivées à la place de l’Hôtel-de-Ville, et y répétaient les différentes scènes qui ont déjà été racontées en général au lecteur. Là étaient réunis les officiers de l’abbaye, les vignerons, les bergers, les bergères, Flore, Cérès, Palès et Bacchus, tout le Parnasse enfin, accompagnés de leur suite et entourés de leurs divers attributs. Silène se laissa tomber de son âne, à la grande joie d’un millier de petits garçons, et au grand scandale des prisonniers ; Pippo affirma que ce n’était pas un jeu, mais que le