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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/256

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pussent se retirer de bonne heure, afin d’être mieux disposés à supporter les fatigues de la journée suivante.

Martigny est située à l’endroit même où la grande vallée du Rhône change sa direction du nord au sud, pour s’étendre de l’est à l’ouest ; c’est de ce même point que partent trois routes célèbres qui se dirigent vers les Hautes-Alpes. Celles du petit et du grand Saint-Bernard qui conduisent toutes deux en Italie, et celle du Col de Balme qui traverse une pointe des Alpes dans la Saône, et va se rendre à la vallée si connue de Chamouny. Le baron de Willading et ses amis avaient l’intention de suivre cette dernière route, la capitale du Piémont étant le but de leur voyage, comme le lecteur le sait déjà. Le grand Saint-Bernard, renommé depuis si longtemps par son couvent hospitalier, l’habitation la plus élevée de l’Europe, rendu plus fameux encore dans ces dernières années par la marche d’une armée victorieuse, n’est cependant qu’un passage secondaire des Alpes, si on le compare à la sublimité de la scène qui l’entoure. La montée, que l’art n’a pas adoucie, même à présent, est longue et ne présente que peu de dangers ; elle est presque directe, n’offrant aucune des descentes précipitées du Gemmi, du Grimsel et de tant d’autres passages de la Suisse et de l’Italie, excepté à la gorge même de la montagne, où il faut à la lettre gravir le roc à l’aide des plates-formes graduées comme des échelons qui se rencontrent si souvent dans les défilés des Alpes et des Apennins.

La fatigue de ce passage vient plus de sa longueur et de la nécessité de le faire rapidement que des efforts exigés pour gravir la montagne. La réputation que s’est acquise le plus grand capitaine de notre siècle en conduisant une armée à travers ses rochers, a plutôt été obtenue par les combinaisons militaires, dont cette marche formait le trait principal, par la hardiesse de la conception, le secret et la promptitude qui présidèrent à une opération si étendue, que par les difficultés physiques qu’il eut à surmonter ; et sous ce rapport le passage du Saint-Bernard, comme ce coup de main célèbre est appelé ordinairement, a souvent été surpassé dans nos déserts ; des armées ont plus d’une fois traversé pendant des semaines entières de larges fleuves, des montagnes escarpées et des forêts immenses, et les souffrances d’un jour pris au hasard l’emportaient sur tout ce que les compagnons de Napoléon ont eu à supporter. L’estime que nous accordons à un exploit dépend tellement de la grandeur de ses