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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/274

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avec beaucoup d’égards, avait choisi cette méthode assez simple, pour accélérer leur course.

L’expédient était si naturel et s’accordait si bien avec les usages des muletiers et des hommes de cette classe, qu’il n’excita aucun soupçon dans la plupart des voyageurs, qui continuèrent leur route en réfléchissant, ou en se livrant aux émotions nouvelles et profondes que la situation présente faisait naître ; d’autres discouraient légèrement à la manière des gens insouciants que rien ne peut émouvoir. Le signor Grimaldi, dont la vigilance avait été éveillée par le léger mouvement de défiance qu’il avait déjà ressenti, fut le seul qui prit garde à la conduite de Pierre. Quand tout le monde fut passé, le Génois se retourna et jeta derrière lui un regard indifférent en apparence, mais en effet inquiet et perçant. Le guide était debout, ses yeux étaient fixés sur le ciel ; d’une main il retenait son chapeau, l’autre était étendue et ouverte. Une parcelle brillante tomba sur cette dernière, et Pierre se mit aussitôt en marche pour reprendre son poste. Quand il approcha de l’Italien, il rencontra un regard si interrogatif, qu’il lui laissa voir un léger flocon de neige, si entièrement congelé, que la chaleur naturelle de la peau n’avait pu encore le dissoudre. Les yeux de Pierre semblaient recommander le secret, et cette silencieuse confidence échappa à l’observation du reste des voyageurs qui se trouva au même moment dirigée sur un objet heureusement fort différent, par le cri d’un des trois muletiers qui accompagnaient le guide. Il montrait des hommes qui s’avançaient comme eux vers le Col ; l’un était monté sur une mule, l’autre était à pied ; ils étaient seuls et sans guide ; leur marche était rapide ; on les vit disparaître, au bout d’une minute, derrière l’angle du rocher qui fermait presque la vallée du côté du couvent, et qui était précisément l’endroit déjà cité comme le plus dangereux à l’époque des fontes de neiges.

— Connais-tu les voyageurs qui nous précèdent ? Sais-tu quel, est le but de leur voyage ? demanda le baron de Willading à Pierre.

Ce dernier réfléchit ; il était évident qu’il ne s’attendait pas à rencontrer des étrangers dans cette partie du défilé.

— Nous ne pouvons rien savoir de ceux qui viennent du couvent ; mais peu d’hommes auraient envie de s’éloigner d’un asile si sûr à une heure si avancée, répondit-il ; et cependant, jusqu’à l’instant où j’ai vu ces voyageurs de mes propres yeux, j’aurais