Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/338

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La vérité de ces suggestions était plausible, et le noble Génois reprit silencieusement sa place. Le châtelain se consulta avec ceux qui l’entouraient et ordonna que la femme de Balthazar fût amenée pour être confrontée avec son mari. Marguerite obéit : ses mouvements étaient lents et son maintien annonçait qu’elle cédait à une triste nécessité.

— Vous êtes la femme du bourreau ?

— Un bourreau me nommait aussi sa fille.

— Marguerite est une femme bonne et sensée, dit Peterchen, elle comprend qu’une charge de l’État ne peut jamais être déshonorante aux yeux des gens raisonnables, et elle ne veut nous cacher aucune partie de son histoire ou de son origine.

Le regard qui brilla dans les yeux de Marguerite était foudroyant mais le dogmatique bailli était trop satisfait de sa propre sagesse pour s’inquiéter de l’effet qu’elle produisait.

— Un bourreau vous nomme sa fille, continua le juge ; à quel titre êtes-vous ici ?

— Au titre d’épouse et de mère : comme mère, je viens dire adieu à ma fille sur la montagne, et comme épouse, je suis venue jusqu’au couvent pour être présente à cet interrogatoire. On prétend qu’il y a du sang sur les mains de Balthazar, et je suis ici pour repousser ce mensonge.

— Et cependant vous nous avez promptement avoué que vous étiez d’une race de bourreaux. Ceux qui sont habitués à voir mourir leurs semblables, devraient répondre avec moins de chaleur à un simple interrogatoire de la justice.

— Herr châtelain, je comprends ce que vous voulez dire. La Providence nous a chargés d’un poids bien lourd à supporter, mais jusqu’ici ceux que nous avons servis ont eu la politesse d’employer d’autres paroles. Vous avez parlé de sang ; celui qui a été répandu par Balthazar, par ses ancêtres ou par les miens, retombera sur la conscience de ceux qui ont commandé de le verser. L’instrument involontaire de votre justice est innocent devant Dieu.

— Voici un étrange langage pour des gens de votre état ! Balthazar, partagez-vous les opinions de votre femme ?

— La nature a donné aux hommes plus de courage, mein herr ; je suis né pour remplir cette charge, on m’a appris qu’elle était innocente, sinon honorable, et j’ai fait tous mes efforts pour remplir mes devoirs sans murmurer. Le cas est différent pour