Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/355

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et je ne voudrais pas qu’une personne que j’aime fût dans ta peau, Maso, pour toutes les richesses de l’Empereur.

— Signore, vous avez parlé tous les deux comme des hommes que la fortune a favorisés depuis leur enfance. Il est aisé pour ceux qui sont heureux de n’avoir rien à se reprocher en tout ce qui concerne les affaires d’argent, quoique, j’en atteste la vierge Marie, je croie que ce métal est plus convoité par ceux qui ont beaucoup que par le pauvre. Je ne suis point étranger à ce que les hommes appellent justice, et je sais comment je dois honorer et respecter ses décrets. La justice, Signori, est le fouet qui frappe le faible et l’épée qui défend le fort. C’est un bouclier pour l’un, et pour l’autre une arme dont il doit se défendre ; enfin, c’est un mot d’une grande importance dans le langage, et d’une application bien inégale en réalité.

— Nous pardonnons l’amertume de tes paroles en considération de ton malheur, quoiqu’elles aggravent tes fautes puisqu’elles prouvent que tu as péché contre toi-même et contre nous. Cette affaire est terminée. Le bourreau et les autres voyageurs sont acquittés ; qu’on mette cet Italien aux fers.

Maso écouta cet ordre sans s’émouvoir, quoiqu’il parût soutenir un violent combat intérieur ; il arpentait rapidement la chapelle en parlant entre ses dents : ses paroles n’étaient point intelligibles, quoiqu’elles fussent prononcées avec autant de force que de violence ; enfin il s’arrêta subitement comme venant de prendre un parti.

— Cette affaire devient sérieuse, dit-il, elle n’admet point d’hésitation. Siguor Grimaldi, ordonnez à tous ceux dans la discrétion desquels vous n’avez pas une entière confiance de quitter la chapelle.

— Je ne me défie de personne, répondit le Génois surpris.

— Alors je vais parler.