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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/93

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pierre lorsqu’elle tombe dans l’eau et de l’agitation régulière et croissante du lac, jusqu’à ce que l’élément présenta l’aspect d’une tempête qui s’était élevée dans son propre sein, puisqu’il n’existait pas la plus légère brise dans l’air. Ce formidable et dernier symptôme de la force du coup de vent qui approchait devint si positif, qu’au moment où le patron et les trois voyageurs furent renversés, le Winkelried, pour nous servir de l’expression d’un marin, se vautrait dans les ondes comme un pourceau dans sa bauge.

Une lueur sombre et surnaturelle précéda les vents, et, malgré l’obscurité antérieure, la nature de l’accident qui venait d’avoir lieu fut comprise de tous. Les hommes furieux qui avaient été sur le point de consommer un horrible sacrifice en l’honneur de la superstition, jetèrent un cri d’horreur. Les cris plus perçants d’Adelheid retentirent aussi dans cet effrayant moment ; chacun crut voir des êtres surnaturels s’élancer sur un nuage de feu.

Le nom de Sigismond fut aussi prononcé dans un de ces instants affreux où le désespoir trahit tous les secrets. Mais l’intervalle entre la chute des voyageurs et le choc de la tempête fut de si courte durée, que pour les passagers tout sembla résulter de ce moment d’horreur.

Maso ayant complété son travail sur le gaillard d’avant, et vu ses autres ordres silencieusement accomplis, arrivait au gouvernail au moment même où se passait ce que nous venons de décrire. Adelheid et ses femmes étaient déjà attachées au mât principal, et on donna des cordes à ceux qui entouraient ce même mât, comme une précaution indispensable ; car le pont de la barque dépouillé de tout article de marchandises, était aussi exposé à la rigueur des vents qu’une bruyère. Telle était la position du Winkelried, lorsque les présages de la nuit se changèrent en d’horribles réalités.

L’instinct, dans des cas subits et extraordinaires de danger, prend la place de la raison. Il n’y eut aucune nécessité d’avertir les passagers sans expérience mais frappés de terreur, de pourvoir à leur sûreté, car chaque homme au centre de la barque se jeta à plat-ventre sur le pont et saisit les cordes que Maso avait préparées dans ce dessein, avec la ténacité avec laquelle tout ce qui existe se rattache à l’existence. Les chiens donnèrent une preuve intéressante des moyens surprenants que la nature leur avait départis pour répondre au but de leur création. Le vieil