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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/154

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— Je les oublie, sir John ! Je ne vois pas trop comment Fulton aurait pu dérober cette idée, vu qu’il ne connaissait pas le docteur, et que probablement il n’entendit jamais parler de Leaphigh.

Nous sourîmes tous, même jusqu’à l’aimable Chatterissa, de la subtilité des distinctions du navigateur ; et la dissertation du philosophe, dans sa forme purement didactique, étant alors terminée, il s’établit une longue et intime causerie dans laquelle une foule de questions ingénieuses furent proposées par le capitaine Poke et par moi, questions auxquelles le docteur et ses amis répondirent avec infiniment d’esprit.

À la fin, le docteur Reasono, qui, tout philosophe et tout ami de la science qu’il était, ne s’était pas donné toute cette peine sans avoir un but secret, se mit alors à nous exposer franchement l’objet de tous ses vœux. Le hasard semblait avoir pris plaisir à satisfaire l’ardent désir que je manifestais d’approfondir davantage la politique, la morale et la philosophie des Monikins, ainsi que tous les autres grands intérêts sociaux de la partie du monde qu’ils habitent. J’étais riche au-delà de toute expression, et l’équipement d’un navire convenable n’était pour moi qu’une misère ; le docteur et lord Chatterino étaient d’excellents géographes pratiques, une fois qu’ils étaient sous le parallèle de 77 degrés sud, et le capitaine Poke avait, à l’entendre, passé la moitié de sa vie à louvoyer au milieu des îles stériles et inhabitées de la mer Glaciale. Quel obstacle pouvait donc s’opposer à ce que le vœu de tous s’accomplît ? Le capitaine était sans emploi, et ne serait pas fâché sans doute de prendre le commandement d’une bonne chaloupe ; les étrangers soupiraient après leur patrie ; et moi, je désirais ardemment augmenter mon enjeu dans la société, en prenant un intérêt dans la commune monikine.

Dès la première insinuation, je proposai franchement au vieux marin d’entreprendre la tâche de rendre à leurs foyers ces intéressants et spirituels étrangers. Le capitaine laissa bientôt percer le bout de son oreille de Stonington ; car plus je le pressais, et plus il trouvait d’objections à m’opposer. Voici quelles étaient les principales :

— Il était vrai qu’il désirait de l’emploi ; mais, avant tout, il désirait revoir Stonington. Il doutait fort que des singes fissent de bons matelots ; ce n’était pas un jeu d’aller courir des bordées au milieu de la glace, et encore moins d’en revenir. Il avait