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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/163

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d’épreuve, sous la conduite de Socrate Reasono, professeur de probabilités à l’université de Leaphigh, etc., etc., et de mistress Vigilance Lynx, duègne patentée. »


Le voyage d’épreuve caractérise si bien le système monikin, et il pourrait si utilement être adopté parmi nous, qu’il est à propos de l’expliquer.

Toutes les fois qu’il se trouve que deux jeunes cœurs se sont mis en rapport, pour me servir d’une expression consacrée, et semblent réunir les conditions les plus essentielles du mariage, on leur fait entreprendre le voyage en question sous la surveillance de mentors prudents et expérimentés, pour constater jusqu’à quel point ils sont capables de supporter, dans la société l’un de l’autre, les vicissitudes ordinaires de la vie. Lorsqu’il s’agit de candidats des classes plus vulgaires, il y a des inspecteurs officiels, qui ordinairement les enfoncent dans quelques bourbiers, puis leur imposent quelque rude besogne qui profite aux fonctionnaires publics, lesquels trouvent moyen de faire faire ainsi par d’autres la plus grande partie de leur ouvrage. Mais, comme les dispositions morales de toutes les lois sont conçues moins pour ceux qui possèdent 126,952 3/4 ares de terre, divisés en prairies, en bois et en terres labourables, que pour ceux dont les vertus sont plus exposées à céder à l’épreuve terrible de la tentation, les riches et les nobles, après avoir fait les démonstrations convenables pour annoncer qu’ils se soumettent à l’usage, se retirent ordinairement dans leurs maisons de campagne, où ils passent le temps de l’épreuve le plus agréablement qu’il leur est possible, ayant soin toutefois de faire insérer de temps en temps dans la Gazette de Leaphigh des extraits de leurs lettres, où ils décrivent les peines et les privations qu’ils sont forcés d’endurer, pour la consolation et l’édification de ceux qui n’ont ni ancêtres ni maisons de campagne. Très-souvent encore le voyage se fait par procuration ; mais, dans le cas dont il s’agit, lord Chatterino et lady Chatterissa formèrent exception même à ces exceptions. Les autorités pensèrent que l’attachement d’un couple si illustre fournissait une excellente occasion de signaler leur impartialité, et, d’après le principe bien connu qui nous porte à pendre parfois un comte en Angleterre, le jeune couple reçut l’ordre de se mettre en route avec toute la pompe convenable — (en même