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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/178

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lui mettant l’instrument entre les mains, tandis que les enseignes se tenaient à portée, prêts à faire les calculs dès qu’il leur donnerait la déclinaison du soleil.

— Nous voguons au sud, dit M. Poke avant d’entamer son observation, je le sens au fond de mes os. Nous sommes en ce moment à 79° 36′ 14″, ayant avancé de plus de dix-huit milles au sud depuis hier à midi. Maintenant, rappelez-vous mes paroles, et voyez ce que va vous dire là-dessus le soleil.

Tout calcul fait, on trouva que notre latitude était de 79° 35′47″. Noé fut un peu contrarié de cette différence, qu’il lui était impossible d’expliquer d’une manière satisfaisante, l’observation ayant été d’une justesse et d’une précision extraordinaires. Mais un homme attaché à son opinion, s’il a un peu d’adresse, est rarement en peine de trouver des raisons suffisantes pour établir la rectitude de ses idées, ou pour prouver l’erreur d’autrui.

— Ah ! je vois ce que c’est, dit-il après un instant de réflexion, il faut que le soleil se soit trompé. Il ne serait pas extraordinaire que le soleil déviât un peu dans ces latitudes extrêmes si froides. Oui, oui, il faut que le soleil se soit trompé.

J’étais trop satisfait d’avoir acquis la certitude que nous étions dans la bonne voie pour contester ce point, et je laissai peser sur le grand astre l’accusation de commettre quelquefois des erreurs. Le docteur Reasono profita de l’occasion pour me dire à l’oreille qu’il y avait à Leaphigh une secte de philosophes qui avaient longtemps révoqué en doute la régularité du système planétaire, et qui avaient même insinué que la terre, dans sa révolution annuelle, suivait une direction tout à fait contraire à celle que la nature avait primitivement imprimée à ses pôles ; mais que, quant à lui, il était peu partisan de ces opinions, parce qu’il avait eu souvent occasion d’observer qu’il y avait un grand nombre de Monikins qui allaient toujours chercher midi à quatorze heures.

Pendant deux jours et deux nuits, nous continuâmes à être portés par les glaces vers le sud, en nous rapprochant de plus en plus du port, objet de tous nos vœux. Le matin du quatrième jour, il s’opéra un changement sensible dans l’état de l’atmosphère ; le baromètre et le thermomètre montèrent à la fois, l’air s’adoucit, et la plupart de nos chiens et de nos chats, bien qu’entourés de glace, commencèrent à dépouiller leurs peaux. Le docteur Reasono remarqua ces symptômes, et, descendant sur