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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/201

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Les académiciens occupaient la totalité du corps de la rotonde, à l’exception de l’espace occupé par la tribune temporaire qui avait été construite pour nous y placer. Des sofas, des chaises, des bancs et des tribunes remplissaient tout le reste de la salle, garnissaient toutes les murailles, et servaient de sièges aux spectateurs. Comme l’édifice était très-grand, et que l’esprit a considérablement réduit la matière chez les Monikins, il ne pouvait s’y trouver alors moins de cinquante mille queues. Avant que le cérémonial de la séance commençât, le docteur Reasono s’approcha de notre tribune, passant de l’un à l’autre de nous, et disant à chacun un mot agréable et encourageant, de manière à faire naître en nous une vive attente de ce qui allait se passer. Nous étions si évidemment distingués et honorés que je fis les plus grands efforts pour réprimer un indigne sentiment d’orgueil, comme peu convenable à l’humilité chrétienne, et pour maintenir une équanimité philosophique, au milieu des démonstrations de respect et de reconnaissance dont je savais que le dernier nous allait être l’objet. Le docteur était encore à nous prodiguer ses attentions quand l’aîné des cousins-germains du roi entra dans la salle, et la séance s’ouvrit sur-le-champ. Je profitai pourtant d’un court intervalle pour dire en peu de mots à mes compagnons qu’ils allaient bientôt se trouver dans le cas de faire preuve de modestie. Nous avions fait un grand trait de courage et de générosité, et il ne fallait pas en diminuer le prix en laissant paraître un sentiment de vaine gloire. Je les conjurai de me prendre pour modèle, et je les assurai que de nouveaux amis en apprécieraient trois fois plus leur intrépidité, leur grandeur d’âme et leurs talents.

Il y avait à recevoir et à installer un nouveau membre de l’Académie des Sympathies-Secrètes. Un membre de ce département des sciences lut un long discours contenant l’éloge du nouvel académicien. Celui-ci y répondit par une harangue très-élaborée, qui dura cinquante-cinq minutes, et fit tout ce qu’il put pour convaincre l’auditoire que la mort du défunt avait causé une perte irréparable à tout l’univers, et qu’il était le dernier Monikin qu’on aurait dû choisir pour le remplacer. Je fus un peu surpris du sang-froid avec lequel ce corps de savants écouta des reproches si sérieux et si souvent répétés. Mais une connaissance plus intime avec les Monikins me prouva que chacun pouvait dire tout