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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/210

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caractéristiques pour prouver aux yeux d’un savant leur identité comme Monikins. Leurs traditions conservaient même quelque idée de la catastrophe terrible qui les avait séparés de leurs semblables ; mais cette idée était vague, obscure et sans utilité. Ayant légèrement appuyé sur divers autres points relatifs à ces faits extraordinaires, le docteur finit par dire qu’il ne voyait qu’un moyen de tirer un avantage pratique de cette découverte, indépendamment de ce qu’elle confirmait la vérité de leurs annales. C’était d’envoyer une expédition dans cette île pour s’emparer d’un certain nombre de familles de ces êtres qui, étant transportés à Leaphigh, pourraient former une race de domestiques qui seraient plus faciles à manier que ceux qui possédaient toutes les connaissances des Monikins, et qui probablement se trouveraient plus intelligents et plus utiles que tous les animaux domestiques dont on se servait à présent. Cette heureuse proposition obtint une approbation décidée, et je remarquai que les vieilles Monikines approchaient leurs têtes les unes des autres, et semblaient se féliciter de la perspective d’être bientôt soulagées d’une bonne partie de leurs soins domestiques.

Le docteur Reasono parla ensuite de son départ de Sainte-Hélène, et de son débarquement en Portugal. Là, suivant son récit, il loua certains Savoyards pour lui servir des courriers et de guides pendant le voyage qu’il avait dessein de faire en Portugal, en Espagne, en Suisse, en France, etc. Je l’écoutai avec admiration. Jamais je n’avais si bien senti l’immense différence que peut produire dans notre manière d’envisager une chose ou un sujet, une philosophie aussi active que celle qui animait le discours de l’orateur. Au lieu de se plaindre du traitement qu’il avait essuyé, et de la dégradation à laquelle il avait été soumis ainsi que ses compagnons, il en parla comme si c’était la conséquence d’une soumission prudente aux coutumes du pays où il se trouvait, et un moyen de se procurer la connaissance de mille faits importants au moral et au physique dont il se proposait de rendre compte à l’académie dans une autre séance. En ce moment, la cloche avertissait qu’il était temps de conclure et qu’il devait abréger son récit autant que possible.

Le docteur, avec beaucoup de franchise, avoua qu’il aurait volontiers passé un an ou deux de plus dans ces parties éloignées et intéressantes de la terre ; mais il ne pouvait oublier qu’il avait