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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/226

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l’intelligence de la société, il se trouve un singulier rapport de convenance entre les lecteurs et ce qu’ils lisent. Cependant, pour compléter ma masse d’informations sur ce sujet, me permettrez-vous de vous demander quel effet produit ce système sur la totalité de l’intelligence de Leaplow ?

— Un effet merveilleux. Comme nous formons une république, il est indispensable d’obtenir une unité de sentiments sur toutes les affaires importantes ; et en faisant ainsi un amalgame de tous les extrêmes de notre raison, nous obtenons ce qu’on appelle l’opinion publique, laquelle opinion publique se prononce par les journaux.

— Et un patriote très-patriote est toujours choisi pour inspecteur du moulin, dit le brigadier.

— De mieux en mieux ! Vous faites moudre et pétrir toutes les parties les plus subtiles de votre intelligence ; cette confection se vend aux journalistes, et ceux-ci la mettent à leur tour en circulation comme le résultat de la sagesse réunie du pays.

— Ou comme l’opinion publique. Nous faisons grand cas de la raison dans toutes nos affaires, et nous nous disons invariablement la nation la plus éclairée de la terre ; mais un effort isolé de l’esprit nous déplaît toujours, parce que c’est un acte offensant pour les autres, aristocratique, anti-républicain, et par conséquent dangereux. Nous mettons toute notre confiance en cette représentation de nos raisons ; et, comme vous devez le voir, elle est singulièrement d’accord avec la base fondamentale de notre société.

— Nous sommes en outre un peuple commerçant, dit le brigadier, et, étant accoutumés aux assurances maritimes, nous avons du penchant pour les taux moyens.

— Cela est vrai, frère Downright, très-vrai. Tout ce qui ressemble à l’inégalité nous révolte, morbleu ! En savoir plus que son voisin est presque un aussi grand crime pour un Monikin que d’agir d’après ses propres impulsions. Non, non. Nous sommes réellement une république libre et indépendante, et nous regardons chaque citoyen comme responsable devant l’opinion publique de tout ce qu’il fait, de tout ce qu’il dit, de tout ce qu’il pense et de tout ce qu’il désire.

— Mais dites-moi, Monsieur, ceux qui occupent les deux grandes lignes politiques envoient-ils leurs queues au même moulin, et ont-ils le même respect pour le sentiment général ?