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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/247

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toutes nos paroles et toutes nos actions, l’un théorique, l’autre pratique ; — peut-être pourrait-on dire l’un moral, l’autre immoral. Dans toutes nos affaires, nous suivons le premier jusqu’aux actions exclusivement, qui sont toujours soumises au second. Il peut se trouver dans cet arrangement quelque chose de contradictoire en apparence ; mais ceux qui s’y connaissent le mieux disent que ce système est la perfection. — Chez vous autres hommes, on ne voit sans doute pas de semblables contradictions.

Je m’avançai alors pour présenter mes respects à la nouvelle comtesse de Chatterino. Elle était à côté de la comtesse douairière, sa belle-mère, dame pleine de dignité dans tous ses traits ; et d’élégance dans sa tournure. Dès l’instant que je parus, son air de modestie affecté disparut de sa physionomie intéressante, et fit place à une expression naturelle de plaisir. Se tournant vers sa nouvelle mère, elle me présenta à elle en lui disant que j’étais un homme. La douairière me fit l’accueil le plus poli ; me demanda si j’avais assez de bonnes choses à manger, si je n’étais pas étonné de la multitude de choses étranges que je voyais à Leaphigh, et ajouta que je devais avoir beaucoup d’obligation à son fils pour avoir consentis m’y amener. Elle finit par m’inviter à aller la voir quelque beau matin.

Je lui fis mes remerciements, je la saluai, et j’allai rejoindre le brigadier dans le dessein de chercher à me faire présenter à l’archevêque. Mais avant de rapporter les détails de mon entrevue avec le pieux prélat, je dois peut-être dire que ce fut la dernière fois que je vis aucun des membres de la famille Chatterino. Ils se retirèrent tous dès que la cérémonie fut terminée. Cependant avant mon départ de Leaphigh, qui eut lieu environ un mois après le mariage, j’appris qu’une séparation avait eu lieu entre les deux époux, dont chacun tenait un établissement particulier. On en attribuait la cause, les uns à une incompatibilité d’humeur, les autres à un jeune officier des gardes ; je n’ai jamais su au juste ce qu’il en était. Mais comme leurs domaines respectifs se convenaient, on ne peut guère douter que ce mariage n’ait été aussi heureux qu’on pouvait s’y attendre.

L’archevêque m’accueillit avec cet air de bienveillance qui appartient à sa profession ; et la conversation tomba naturellement sur une comparaison des systèmes religieux de la Grande-Bretagne et de Leaphigh. Il fut enchanté d’apprendre que nous