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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/258

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pas même sa propre personne. Le cas est tout autre à l’égard de son cousin-germain. Ce grand fonctionnaire est chargé des importantes fonctions du gouvernement. Dès les premiers siècles de la monarchie, on avait remarqué qu’une seule conscience, ou pour mieux dire, un seul assortiment de facultés intellectuelles, pouvait à peine suffire pour régner et gouverner en même temps. Nous savons tous, Milords, combien sont insuffisantes nos facultés privées pour les objets qui nous sont purement personnels : et combien nous trouvons difficile de conduire nos propres affaires, quand nous ne sommes aidés que par notre jugement, notre conscience et notre mémoire. De là, il est facile de reconnaître combien il est important de donner à celui qui est chargé de gouverner les autres, un double assortiment de ces facultés. D’après une déconsidération de ce qu’exigeait cet état de choses, la loi coutumière, — non la loi écrite, Milords, car elle est sujette à être entachée des imperfections auxquelles la raison est exposée dans un état d’isolement et d’individualisation, et elle porte souvent l’empreinte de la seule queue dont elle est émanée ; — je dis la loi coutumière, ce réceptacle bien connu de tout le bon sens de la nation ; c’est elle, dis-je, qui a décidé depuis longtemps que l’aîné des cousins-germains de Sa Majesté aurait la garde de la conscience de Sa Majesté, et par une conséquence nécessaire et légale, elle l’a doué en même temps du jugement de la raison, et enfin de la mémoire de Sa Majesté.

Telle est la présomption légale, Milords. Il me serait bien facile de prouver en outre par mille faits, que non-seulement le roi de Leaphigh, mais un très-grand nombre de souverains, sont et ont toujours été dépourvus de mémoire, de sorte qu’on pourrait dire qu’elle est incompatible avec la royauté. Si un prince était doué de mémoire, il pourrait perdre de vue son haut rang, en se souvenant qu’il est né comme un autre, et que, comme un autre, il est destiné à mourir. Les promesses, les obligations, les attachements, les devoirs, les principes, même les dettes, pourraient nuire à l’exécution de ses fonctions sacrées, si le souverain était doué de mémoire. Il a donc été décidé depuis un temps immémorial, que le roi est complètement dépourvu des facultés de raison, de jugement et de mémoire, comme une suite indispensable de ce qu’il n’a pas de conscience.

Le procureur général invita alors la cour à fixer son attention