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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/292

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pressés par le temps, les horizontaux ayant pris l’avance sur eux, l’affaire fut arrangée en cinq minutes, et les membres du second comité se retirèrent, emportant un placard collé sur une petite planche attachée au bout d’un grand bâton, et sur lequel on lisait les mots suivants en caractères de trois pouces de longueur : « Noé Poke, le patriote éprouvé, le profond juste, l’honnête Monikin. » Tout avait été préparé, il n’y avait que le nom à remplir.

Dès que le comité fut parti, Noé me tira à l’écart et me fit une sorte d’apologie pour s’être mis en opposition avec moi dans cette importante élection. Les raisons qu’il m’en donna furent nombreuses, ingénieuses, et, suivant son usage, un peu diffuses. Voici quelle en était la substance : — Il n’avait jamais siégé dans un parlement, et il était curieux de voir comment il s’y trouverait. Le respect qu’avait pour lui son équipage augmenterait quand il verrait que son capitaine était devenu un homme d’une telle importance dans un pays étranger ; il avait acquis quelque expérience à Stonington en lisant les journaux, et il ne doutait nullement de ses talents, circonstance qui manquait rarement de faire un bon législateur. Le représentant de son district au congrès était un homme à peu près comme lui, et ce qui était bon pour l’oie, était bon pour l’oison. Il savait que miss Poke apprendrait avec plaisir qu’il avait été élu. Il voudrait bien savoir si on l’appellerait l’honorable Noé Poke, et s’il recevrait huit dollars par jour et tant par mille pour son voyage, à compter de l’endroit où le Walrus était alors. Les perpendiculaires pouvaient compter sur lui, car il n’avait qu’une parole. Quant à la constitution, il avait vécu sous la constitution d’Amérique, et il croyait qu’un homme qui avait fait cela pouvait vivre sous toutes les constitutions possibles. Il n’avait pas dessein de parler beaucoup dans le parlement ; mais il espérait que ce qu’il y dirait ne serait pas oublié, et que ses enfants pourraient en profiter. — Il continua assez longtemps à argumenter sur le même ton.

En ce moment, le troisième schooner se trouva bord à bord avec nous, et il nous envoya encore six membres d’un autre comité qui nous dirent qu’ils étaient les représentants d’un parti qu’on nommait les Tangentes. Ils n’étaient pas très-nombreux, mais ils l’étaient assez pour faire pencher la balance quand les horizontaux et les perpendiculaires se croisaient à angles droits, comme