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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/357

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soin d’ailleurs de choisir un patron qui, à différentes époques, avait donné une opinion quelconque sur tous les points qui avaient jamais été discutés à Leaplow ; il pouvait annuler, modifier, qualifier, mieux que personne, et c’était là, pensait-il, les trois questions les plus importantes chez un législateur de Leaplow. Il admettait cependant qu’il était quelquefois utile de faire parade d’indépendance, afin de donner de la valeur aux opinions même du Divin, car rien ne révolte la nature monikine comme une totale dépendance mentale, et qu’il avait choisi pour montrer la sienne une question qui devait être décidée le jour même.

Voici le cas auquel le capitaine faisait allusion. La ville de Bivouac était divisée en trois parties presque égales, qui étaient séparées entre elles par deux branches d’un marais. Une partie de la ville était une espèce d’île, et les deux autres parties étaient situées sur les bords respectifs des basses terres. Il était très-important pour la ville de réunir ces différentes parties de la capitale par des routes, et à cet effet on avait présenté une loi à la chambre. Chacun, soit à la chambre, soit dans le pays, était favorable à ce projet, car de bonnes routes étaient devenues en quelque sorte indispensables. Le seul point disputé était l’étendue des ouvrages en question. Une personne peu au courant de la législature, et qui n’a jamais été témoin d’une occultation du grand principe moral par l’orbite de l’intérêt pécuniaire, supposerait raisonnablement que cette affaire était une bagatelle, et que tout ce qu’il y avait à faire était d’ordonner que les routes s’étendissent aussi loin que les convenances publiques l’exigeraient. Mais pour penser ainsi, il faudrait être bien novice dans les affaires monikines. Le fait est qu’il y avait autant de différentes opinions et de différents intérêts en jeu pour régler l’étendue de la route, qu’il y avait de différents propriétaires sur ses bords. Le grand objet était de commencer dans ce qu’on appelait le quartier le plus commerçant de la ville, et de continuer le travail aussi loin que les circonstances pourraient le permettre. Nous avions des propositions depuis cent pieds jusqu’à dix mille. Chaque pouce était défendu avec autant d’obstination que s’il se fût agi de défendre une brèche. Les discussions et même les conspirations étaient aussi vives que dans un temps de révolution ; On pensait généralement qu’en comblant une partie du