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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/72

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gaires, ce fut par suite de l’élection qui eut lieu dans le bourg d’House-Holder, et de la bouche de lord Pledge, que j’obtins la clef de ce mystère sublime. Cette découverte est, comme beaucoup d’autres, fort simple quand on la comprend bien, et il est facile de la faire comprendre à l’esprit le plus borné. Il devrait en être de même de tous les principes qui se rattachent de si près au bien-être de l’homme.

C’est une vérité universellement reconnue que le bonheur est le seul objet légitime de toutes les sociétés humaines. Les administrés renoncent à une certaine portion de leurs droits naturels pour obtenir la sécurité, la paix et le bon ordre, sous la condition de rester en pleine jouissance du reste. Il est vrai qu’il existe parmi les diverses nations du monde de fortes différences d’opinion sur la quotité de droits qu’on doit abandonner ou conserver ; mais ce ne sont qu’autant de caprices de l’esprit humain, qui n’affectent nullement le principe. Je découvris aussi que tous les êtres les plus sages et les mieux raisonnants de notre espèce, — ou ce qui est la même chose, ceux qui offrent le plus de garanties, — maintiennent uniformément que celui qui apporte le plus dans la société est naturellement celui qui est le plus propre à en administrer les affaires. Par l’apport dans la société, on entend généralement la multitude de ces intérêts qui font notre occupation journalière, ce qu’on appelle en langue vulgaire la propriété. Ce principe agit en nous portant à faire le bien parce que ce que nous possédons souffrirait si nous faisions le mal. Ma proposition est donc maintenant bien claire. Le bonheur est le but de la société, et la propriété, ou l’intérêt qu’on a à maintenir cette société, est la meilleure garantie qu’on puisse donner de désintéressement et de justice, la qualité la plus nécessaire pour l’administrer. Il s’ensuit, comme un corollaire tout naturel, que, plus cet intérêt est grand, plus on est propre à gouverner, parce qu’il nous élève, autant qu’il est possible, à la nature pure et éthérée des anges. Un de ces heureux hasards qui font quelquefois d’un homme un roi ou un empereur m’avait rendu un des plus riches sujets des souverains de l’Europe. Avec cette théorie, brillant devant mes yeux comme l’étoile polaire, et avec de si simples moyens, ce devait être ma faute si je ne conduisais pas ma barque dans le port. Si celui qui à la plus grande part dans la propriété est aussi celui qui paraît le plus aimer ses semblables, il ne pou-