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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/219

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pâtés de religion à terre pendant un mois ou deux, éclataient en jurements, comme un ouragan, dès qu’ils étaient au large, et que ni les ministres, ni la congrégation ne pouvaient plus les entendre. On dit que le vieux Joé Bunk commençait sur la barre un jurement qui n’était fini que lorsqu’il était à la hauteur de Montauk. Je doute fort, Leach, qu’il y ait beaucoup à gagner à arrimer dans la cale la religion et la morale comme une balle de coton. Et c’est pourtant ce qui se fait sur la Rivière et dans les environs.

— Bien des gens commencent à être du même avis ; car, quand une opinion perce en Amérique, c’est comme la petite vérole.

— Je suis partisan de l’éducation, et je ne crois pas en avoir reçu plus qu’il n’est raisonnable. Je pense même qu’une prière est plus utile à un capitaine de bâtiment que le latin ; et même encore à présent j’y ai souvent recours, quoique ce puisse ne pas être tout à fait dans les termes de l’Écriture. J’ai rarement besoin de vent sans prier pour en avoir, mais c’est mentalement, j’en conviens ; et quant au rhumatisme, je prie sans cesse le ciel de m’en débarrasser, à moins que je ne le maudisse à babord et à tribord. N’avez-vous jamais remarqué que le monde est moins moral qu’auparavant depuis qu’on a inventé les bâtiments à vapeur ?

— Cette découverte est antérieure à ma naissance, commandant.

— C’est vrai, vous n’êtes presque qu’un enfant. Tout le monde paraît pressé d’arriver, et personne n’aime à s’arrêter pour prier, ou pour congédier ses péchés comme une balle qu’on chasse avec le pied. La vie est comme une traversée sur mer : nous sondons avec soin en sortant du port, et quand une fois la sonde ne trouve plus de fond, nous passons le temps gaiement ; mais quand nous approchons de nouveau de la côte, à la fin du voyage, nous reprenons la sonde et nous examinons comment nous gouvernons. C’est le moment de partir et celui d’arriver qui nous donnent tout l’embarras. Vous aviez quelque motif, capitaine, pour me demander si je priais jamais ?

— Certainement. Si je me mettais en besogne de prier en ce moment, ce serait pour demander une mer calme pour demain, afin que nous puissions conduire tranquillement à la remorque le radeau jusqu’au Montauk. Mais chut, Leach ! n’avez vous rien entendu ?

— Je crois avoir entendu un son qui n’est pas celui de la brise de terre. C’est probablement quelque animal sauvage, cal l’Afrique en est pleine.

— Je crois que dans cette forteresse nous pourrions venir à bout d’un lion. À moins que le drôle ne trouvât ce méchant escalier, il ne