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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/321

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taient aussi graduellement éloignés du rivage. Cependant d’épaisses ténèbres les entouraient encore, quoiqu’il n’y eût plus aucun doute qu’ils ne fussent dans l’Océan.

Pendant près d’une heure un vent variable se fit sentir par bouffées comme auparavant. Pendant ce temps, le cap de la chaloupe fut tenu au nord, autant que Paul et M. Sharp purent en juger, mais elle n’avança que fort peu. Alors la brise tourna peu à peu, varia d’un quart de l’arrière, et continua plus constamment qu’elle ne l’avait fait de toute la nuit. Paul soupçonna ce changement, quoiqu’il n’eût aucun moyen d’en être sûr ; car, lorsque le vent changeait, il ne pouvait plus gouverner que par conjecture. La brise fraîchit et la vitesse de la chaloupe en augmenta, quoiqu’elle fût toujours tenue au plus près du vent. Enfin, au bout d’une demi-heure, les deux amis commencèrent à être inquiets, ne sachant trop quelle direction ils suivaient.

— Ce serait un sort cruel de retrouver encore le récif, dit Paul ; et pourtant je ne puis être sûr que nous n’y courions pas en droite ligne.

— Nous avons deux compas ; allumons une lumière et vérifions le fait.

— Il aurait mieux valu le faire plus tôt. À présent, une lumière peut être dangereuse, si nous nous sommes réellement trompés de route dans cette obscurité profonde. Cependant il n’y a pas d’alternative et il faut en courir le risque ; mais, auparavant, je jetterai encore une fois la sonde.

Le résultat de cette opération fut deux brasses et demie d’eau.

— La barre dessous ! s’écria Paul en sautant à l’écoute. Ne perdez pas un instant ! la barre dessous !

Avec sa voile imparfaite et le rouffle dont elle était chargée, la chaloupe ne se montra pas très-docile à la manœuvre, et il s’ensuivit un moment d’inquiétude pénible ; Paul réussit pourtant à coiffer une partie de la voile ; et il se sentit rassuré.

— La chaloupe cule, monsieur Sharp, changez la barre d’un bord à l’autre.

Ce changement fut exécuté, et les deux jeunes gens sentirent un soulagement presque égal à celui qu’ils avaient éprouvé en sortant de la passe, quand ils virent la chaloupe aller de nouveau en avant et obéir au gouvernail.

— Récif ou rivage, nous sommes près de quelque chose, dit Paul tenant la sonde en main et prêt à s’en servir. Je crois pourtant que ce ne peut être le récif, car nous n’entendons pas les Arabes.