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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/79

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— Nous lui montrons les talons, dit le capitaine, et dans la situation où elle est, la corvette a davantage du vent sur nous, ce qui serait assez pour satisfaire un homme moins modeste que son commandant. Mais je lui ai déjà fait faire tant de chemin qu’il ne sera pas de la meilleure humeur possible quand nous nous trouverons bord à bord ; et nous pouvons prendre notre parti de revoir Portsmouth avant New-York, à moins que la nuit où un vent venant par le travers ne nous favorise. J’espère, Leach, que vous n’avez pas nui à votre avancement en regardant de trop-près un champ planté en tabac ?

— Non, commandant, non ; et si vous me permettez de le dire ; je ne crois pas qu’on puisse produire devant aucune cour d’Angleterre une chique qui soit sortie de ce bâtiment autrement que bonafide et dans la boîte à tabac d’un matelot. Tous les hommes de l’équipage jusqu’au dernier en feront serment.

— Oui, oui ; et les barons de l’échiquier seraient sans doute les plus grands fous du monde de refuser de les croire. Mais si l’on n’a pas fraudé le trésor, pourquoi ce croiseur poursuit-il en pleine mer un paquebot régulier ?

— L’affaire de ce passager de l’avant, de Davis, en est probablement la cause, commandant. Cet homme doit peut-être une somme considérable ; peut-être emporte-t-il les deniers publics ; car ces drôles-là, quand ils font une chute, tombent toujours plus bas que l’entrepont d’un bâtiment comme celui-ci.

— Tout cela sera fort bon pour mettre de bonne humeur les passagers du gaillard d’arrière et de la grande chambre, et ils en feront connaissance entre eux plus promptement ; mais cela ne jettera de la poudre aux yeux qu’aux novices. Je connais depuis bien des années ce procureur Seal, et le coquin n’a jamais eu une affaire qui concernât le gaillard d’arrière. Non, non, je crois ce que l’homme et sa femme nous ont dit, et je ne les livrerais pas ; à présent que je suis en pleine mer, pour autant d’écume qu’on en voit sur la côte de Jersey après un coup de vent d’est. Ce mangeur de vent ne se contentera ni de Davis ni de sa femme ; il mettra la main sur toute la famille du Montauk, et nous laissera l’alternative de retourner à Portsmouth dans son agréable société, ou de gagner la terre à la nage comme nous le pourrons. Du diable si je crois que le drôle puisse citer une seule ligne de Vattel qui l’y autorise, Leach, quand même on aurait fait entrer dans son île une tonne de tabac sans permis.

À tout cela M. Leach n’avait rien d’encourageant à répondre ; car,