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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/93

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sants pour lui rendre pleine justice. La liberté, comme vous le savez, miss Effingham, comme vous le savez tous, Messieurs, est une faveur du ciel qui mérite une reconnaissance sans bornes, et qui appelle à chaque heure du jour nos remerciements pour les grands hommes qui, dans un temps d’épreuve, se montrèrent les premiers sur le champ de bataille et dans les conseils de la nation.

John Effingham jeta un coup d’œil sur Ève, comme pour lui dire qu’elle avait entrepris une tâche trop forte, et lui offrir de venir à son secours si elle y consentait ; consentement qu’elle lui donna sur-le-champ d’une manière silencieuse, mais expressive.

— Ma jeune parente sent tout cela parfaitement, monsieur Dodge, lui dit-il pour opérer une diversion, mais elle et moi-même, je l’avoue, nous sommes dans quelque embarras, pour savoir en quoi consiste cette liberté dont on a tant parlé, et sur laquelle on a tant écrit de notre temps. Permettez-moi de vous demander si vous entendez par ce mot une parfaite indépendance en pensées, en actions et en droits ?

— Égalité de lois, égalité de droits, égalité sous tous les rapports, et une liberté entière, absolue et sans réserve, sans aucun doute, Monsieur.

— Quoi ! vous accordez à l’homme fort le droit de battre le faible et de lui prendre son dîner ?

— Pas du tout, Monsieur ; à Dieu ne plaise que je professe une pareille doctrine ! En parlant de liberté entière, je veux dire un pays où il n’y ait ni roi, ni aristocratie, ni privilèges exclusifs ; où un homme en vaille un autre.

— Entendez-vous donc qu’un homme en vaille un autre dans le système de notre gouvernement ?

— Sans contredit, Monsieur. Je suis surpris qu’un homme instruit comme vous me fasse une pareille question, dans un siècle comme celui-ci.

— Si un homme en vaut un autre, Monsieur, dit M. Blunt, qui vit que John Effingham se pinçait les lèvres, ce qui annonçait qu’il allait dire quelque chose de plus mordant, voudriez-vous bien avoir la bonté de m’informer pourquoi ce pays prend l’embarras et fait les dépenses des élections annuelles ?

— Les élections, Monsieur ! De quelle manière les institutions libres pourraient-elles fleurir et se maintenir, sans en appeler constamment au peuple, qui est la véritable source de tout pouvoir ?

— Je n’y fais aucune objection, monsieur Dodge, répondit le jeune homme en souriant ; mais à quoi bon une élection ? Si un homme en