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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/97

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elle tirait son caractère de celui des parties séparées qui la composaient, et qui étaient elles-mêmes parfaitement indépendantes sur le point important des principes distinctifs, sauf la condition vague et générale qu’elles devaient être républiques, condition qui signifiait tout, ou qui ne voulait rien dire, puisque, en ce qui concernait la véritable liberté, chaque état séparé pouvait décider lui-même.

— C’est dans le caractère du gouvernement des états, dit-il en finissant, qu’il faut chercher celui du gouvernement américain, et il varie dans chacun d’eux suivant leur politique respective. C’est de cette manière que les communautés qui tiennent la moitié de leur population dans un esclavage domestique, ne font qu’un même faisceau politique avec celles dont les institutions sont les plus démocratiques. Le gouvernement général n’assure la liberté de discours, de conscience, d’actions et de tout autre chose que ce soit, que contre lui-même, ce qui n’est nullement nécessaire, puisqu’il ne jouit que de pouvoirs délégués et qu’il n’a aucune autorité pour agir quand ces intérêts sont en jeu.

— Cela est fort différent de l’idée qu’on s’en forme généralement en Europe, dit M. Sharp ; et comme je vois que ma bonne fortune m’a placé dans la société d’un Américain, sinon d’un homme de loi américain, en état d’éclairer mon ignorance sur ces sujets intéressants, j’espère qu’il me sera permis d’en profiter pendant les moments de loisir qu’il est probable que nous aurons en grand nombre.

Ce compliment fit rougir M. Blunt ; il salua celui qui le lui avait fait, mais il parut hésiter un instant avant de lui répondre. — Comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire observer, dit-il enfin, il n’est pas nécessaire d’être Américain pour comprendre les institutions de ce pays, et il serait possible que je vous égarasse si vous vous imaginiez avoir en moi un Américain pour instituteur. J’ai passé beaucoup de temps dans ce pays, mais je n’y suis pas né, et cependant peu de jeunes gens, de ce côté de l’Atlantique, ont accordé autant d’attention que moi à tout ce qui le concerne.

— J’espérais que nous avions l’honneur de vous compter parmi nos concitoyens, dit John Effingham avec un désappointement évident. Tant de jeunes gens viennent dans notre pays avec une disposition à critiquer nos meilleures institutions, dont ils ne connaissent rien, ou à les louer toutes avec un esprit de servilité, que je m’étais flatté d’avoir trouvé en vous une exception.

Ève éprouva aussi du regret, quoiqu’elle pût à peine s’en expliquer la cause.