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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/143

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qu’il est à présent, cette partie de la maison ayant été convertie en chambres, pour les domestiques. Mademoiselle Annette aurait des vapeurs si les ouvrages des artistes dont se contentait la génération passée venaient à frapper de trop près des yeux qui ont vu le Louvre.

Point du tout, monsieur, dit mademoiselle Viefville fort innocemment ; Annette a du goût dans son métier sans doute, mais elle est trop bien-élevée pour demander l’impossible. Je me doute pas qu’elle ne se fût conduite avec décorum.

Chacun se mit à rire, car la gaieté présidait au repas ; et la conversation continua.

— Je serai satisfaite si Annette échappe aux convulsions, dit Ève ; un goût raffiné est son faible ; et, pour parler franchement, ce que je me rappelle des ouvrages dont vous parlez n’est pas de la nature la plus flatteuse.

— Et pourtant, dit sir George, rien ne m’a plus étonné que l’état respectable de la peinture et de la gravure en ce pays. Je ne m’y attendais pas, et probablement mon plaisir a été proportionné à ma surprise.

— Vous avez raison sur ce point, sir George, dit John Effingham. Celui qui se rappelle ce qu’était une ville d’Amérique il y a un demi-siècle, verra un contraste parfait dans une ville d’Amérique d’aujourd’hui ; et cela est également vrai des arts dont vous parlez, mais avec cette différence que ces arts prennent une bonne direction par suite d’une instruction convenable, tandis que les villes en prennent une mauvaise, parce qu’elles sont sous l’influence de l’argent, qui est essentiellement ignare de sa nature. Si j’avais laissé beaucoup de l’ancien mobilier ou quelqu’une des gravures, nous verrions miss Effingham en ce moment froncer le sourcil au lieu de nous enchanter par son sourire.

— J’ai pourtant vu de très-beaux vieux meubles en ce pays, cousin John.

— Sans doute, mais non pas dans ce canton. Les moyens de transport manquaient il y a un demi-siècle, et peu de personnes risquaient de belles choses sur les chariots mal construits dont on se servait alors. Dans cette maison, il se trouvait quelques vieux meubles très-beaux qui y ont été transportés à force d’argent, et ils y sont encore ; mais, en général, le dix-huitième siècle peut être regardé en ce pays comme une antiquité très-réculée.