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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/187

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tretenir avec elle-même. Il en vient quelquefois un grand nombre, et alors elles parlent toutes ensemble, de manière à jeter la confusion dans les échos. Je suppose, jeune dame, ajouta-t-il en s’adressant à Ève, que vous savez ce qu’on dit de ces voix ?

— Tout ce que j’ai entendu dire, c’est que ce sont les échos les plus parfaits du monde entier, répondit Ève en se tournant pour lui faire face, tandis que sa barque passait devant celle du vieux pêcheur.

— Bien des gens prétendent qu’il n’y a pas d’écho du tout, et que les sons qu’on entend sont produits par l’esprit de Bas-de-Cuir, qui rôde toujours dans les environs de son ancienne demeure, et qui répète tout ce que nous disons pour se moquer de notre ignorance, et pour nous reprocher d’envahir les bois. Je ne dis pas que cette opinion soit la vérité, ou que ce soit la mienne ; mais nous savons tous que Natty n’aimait pas à voir un nouveau colon arriver dans les montagnes, et qu’il aimait les arbres comme un rat musqué aime l’eau. On montre ici, un peu plus haut, un arbre auquel il faisait une entaille chaque fois qu’il arrivait un nouveau venu ; mais quand il en eut fait dix-sept, il n’eut pas le cœur d’aller plus loin, et il y renonça de désespoir.

— Cela est si poétique, commodore, que c’est dommage que ce ne puisse être la vérité. Je préfère cette explication du mystère des Rochers Parlants à celle qu’on donne de la Source des Fées.

— Vous avez raison, jeune dame, s’écria le vieux pêcheur, tandis que les deux barques s’écartaient l’une de l’autre ; jamais on n’a connu une fée dans l’Otségo, mais il fut un temps où nous pouvions nous vanter d’un Natty Bumppo.

Le commodore fit un nouveau geste de la main, et Ève lui fit un signe d’adieu. L’esquif continua à longer la rive du lac, s’avançant quelquefois plus au large pour éviter le contact de branches suspendues sur les eaux, ou de quelque arbre qui avait poussé en ligue horizontale, et revenant ensuite aussi près du rivage qu’il était possible. Ève crut n’avoir jamais vu de plus beau feuillage que celui qu’offrait toute la rampe de la montagne. Plus de la moitié de la forêt de grands pins qui couvrait la terre quand les premiers colons étaient arrivés dans le pays, avaient déjà disparu ; mais par une de ces lois incompréhensibles de la nature, ces pins étaient déjà remplacés par presque toutes les variétés des arbres d’Amérique. De jeunes arbres verts, avec leurs teintes à la Rembrandt, offraient une beauté particulière, et faisaient contraste