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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/238

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santerie, se borne à exprimer ma reconnaissance, à déclarer ma résolution de ne pas encore changer de condition, attendu mon extrême jeunesse, et à annoncer que je suis disposée à laisser le champ libre à toute rivale plus âgée, sinon plus belle.

— En ce cas, dit Ève en riant, quoiqu’elle désirât que la conversation changeât de sujet, car elle voyait Paul s’avancer de leur côté, je crois que ce que j’ai de mieux à faire, c’est d’ajourner ma décision, le temps laissant bien des choses à ma disposition. Le temps fera voir ce que j’aurai décidé.

— En vérité, répliqua mistress Bloomfield, qui ne connaissait pas les motifs de son amie, c’est une coquetterie que rien ne saurait justifier, et je me trouve obligée de m’assurer de quel côté vient le vent. Vous vous rappellerez que je suis la confidente du capitaine, et vous savez quelle est la responsabilité d’une confidente en pareil cas : celle d’un témoin dans un duel n’est rien en comparaison. Pour que je puisse avoir un témoignage en ma faveur au besoin, il est bon que j’informe M. Powis des faits principaux de l’affaire. — Le capitaine Truck, Monsieur, est un fervent admirateur de miss Effingham, et je cherche à découvrir s’il doit se pendre ce soir sur la pelouse dès que la lune sera levée, ou vivre encore une misérable semaine. Je vais donc vous faire subir un interrogatoire, miss Ève ; préparez-vous à vous défendre. — Avez-vous quelque objection à faire contre le pays natal de votre admirateur ?

Quoique très-contrariée de la tournure que cette plaisanterie avait prise, Ève conserva tout son sang-froid, car elle savait que mistress Bloomfield avait trop de tact pour dire avec intention la moindre chose qui pût blesser les convenances ou embarrasser sérieusement une amie.

— Il serait bien singulier que j’eusse des objections à faire contre un pays qui non seulement est le mien, mais qui a été si longtemps celui de mes ancêtres. De ce côté, mon chevalier n’a rien à craindre.

— Je suis charmée de vous entendre parler ainsi, dit mistress Bloomfield, jetant presque sans le savoir un coup d’œil sur sir George Templemore. — Et vous, monsieur Powis, que je crois Européen, cet aveu sera pour vous une leçon d’humilité. — À présent, miss Effingham, faites-vous quelque objection contre votre admirateur parce qu’il est marin ?

Ève rougit, malgré tous les efforts qu’elle fit pour montrer du