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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/328

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— Je me suis demandé à moi-même que fait une femme qui se marie ? Elle fait vœu de tout quitter pour suivre son mari, et de l’aimer plus que son père, sa mère, et toute autre créature vivant sur la terre. — Cela n’est-il pas vrai, miss Ève ?

— Je le crois ainsi, Nanny ; — j’en suis même sûre, répondit Ève, et ses joues prirent une teinte plus vive en songeant qu’elle venait d’éprouver un des plus heureux moments de sa vie, en se livrant à une passion qui jetait dans l’ombre toutes les affections de la nature. — Oui, ce que vous venez de dire est vrai.

— Eh bien ! miss Ève, j’examinai mes sentiments comme je crois qu’on dit, et après avoir bien réfléchi, je reconnus que je vous aimais plus que personne au monde, toute jeune que vous étiez alors, et que je ne pouvais en conscience faire vœu d’aimer mieux un autre.

— Chère Nanny ! ma bonne et fidèle Nanny ! que je vous serre dans mes bras ! Et moi, égoïste, inconsidérée, ingrate, j’oublierais les circonstances qui doivent nous faire rester ensemble le reste de notre vie ! Chut ! on frappe à la porte. C’est mistress Bloomfield ; j’ai reconnu son pas. Ouvrez-lui la porte, Nanny, et laissez-nous ensemble.

Les yeux perçants de mistress Bloomfield étaient fixés sur sa jeune amie quand elle entra dans sa chambre, et son sourire ordinairement si gai, et quelquefois si ironique, avait alors une expression amicale et pensive en même temps.

— Eh bien ! miss Effingham, dit-elle d’un ton qui n’était pas d’accord avec sa physionomie, dois-je vous faire un compliment de condoléance ou de félicitation ? Je n’ai jamais vu un changement plus soudain et plus miraculeux dans une jeune personne ; mais est-ce en mieux ou en pire, c’est ce qu’il faut savoir. — Quels mots imposants que ceux « pour le meilleur ou pour le pire ! — plus riche ou plus pauvre ![1] »

— Vous êtes en gaieté ce soir, ma chère mistress Bloomfield ; il paraît que « le divertissement du feu » a eu sur vous quelque influence.

— Votre divertissement du feu a causé une conflagration presque générale. Mistress Hawker a pensé faire une chute de frayeur en voyant une fusée tomber près d’elle ; j’ai entendu dire qu’un serpenteau a mis le feu à une grange ; le cœur de sir George

  1. Ces mots sont tirés du rituel anglais pour la célébration du mariage.