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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/346

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la vérité. Je crois que rien n’est plus rare dans le monde que de trouver un homme ou une femme qui ne soit pas porté, en renonçant à une erreur, à se jeter dans l’extrême contraire. Après avoir cru que nous ne possédions rien qui méritât une pensée, nous en sommes arrivés à la conclusion que rien ne nous manque.

— Oui ; et c’est une des raisons qui font que tout le reste du monde rit à nos dépens.

— Rit à nos dépens, monsieur Effingham ! J’avais supposé que le nom américain était en bonne odeur, du moins dans quelques portions du monde.

— En ce cas, ma chère mistress Bloomfield, vous vous êtes considérablement trompée. Il est vrai que l’Europe commence à nous faire l’honneur de croire que nous valons mieux qu’elle ne le supposait autrefois ; mais il s’en faut de beaucoup qu’elle nous regarde comme étant placés sur le même niveau que les autres peuples.

— Ils ne peuvent certainement nous refuser l’esprit d’entreprise, l’énergie, l’activité !

— Qualités auxquelles ils donnent les jolis noms de cupidité, d’astuce et d’escroquerie. Je suis pourtant loin, très-loin, de croire tout ce qu’il convient aux intérêts et aux préjugés de l’Europe, et surtout de notre vénérable parente, la vieille Angleterre, de dire et de penser au préjudice de ce pays ; car je suis convaincu, au contraire, qu’il s’y trouve autant de mérite substantiel que chez quelque autre nation que ce soit ; mais en se débarrassant d’un assortiment d’anciens vices et d’anciennes folies, il n’a pas eu la sagacité de découvrir qu’il en contracte d’autres, qui ne sont pas moins intolérables.

— Que regardez-vous donc comme notre plus grande erreur, notre point le plus faible ?

— Le provincialisme, avec sa suite de préjugés étroits, et une disposition à ériger la médiocrité en perfection, sous la double influence d’une ignorance qui vient inévitablement du manque de bons modèles, et d’une tendance irrésistible à la médiocrité, dans une nation où l’opinion publique domine si impérieusement.

— Mais l’opinion publique ne domine-t-elle point partout ? — n’est-elle pas toujours plus forte que la loi ?

— Cela peut être vrai dans un certain sens, mais dans un pays comme celui-ci, sans capitale, où tout est province, dans lequel l’intelligence et le goût sont épars, cette opinion publique ne peut