Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que deux siècles peuvent les rendre ; et, par leur origine, remontant aussi loin que les habitants du reste du monde. L’Américain a même une noblesse plus qu’ordinaire, puisque la sienne peut avoir pris racine dans celle d’Europe.

— Ne vous méprenez pas, miss Effingham ; je sais parfaitement que les habitants de ce pays sont à cet égard comme ceux de toutes les autres contrées civilisées. Ma surprise est que, dans une république, vous ayez même ce terme « anciennes familles. »

— Vous me permettrez de dire que votre surprise est venue de ce que vous n’avez pas assez réfléchi sur l’état véritable du pays. Il existe partout deux grandes causes de distinction, la fortune et le mérite. Or si une race d’Américains continue pendant plusieurs générations à se rendre remarquable par une de ces causes ou par la réunion de toutes deux, pourquoi ses descendants n’auraient-ils pas le droit d’être considérés comme membres d’anciennes familles, puisqu’ils sont précisément dans les mêmes circonstances ? L’histoire d’une république est aussi bien une histoire que celle d’une monarchie et un nom historique a droit à autant de considération dans l’une que dans l’autre. Vous admettez cette vérité dans vos républiques d’Europe, tandis que vous voulez la nier dans la nôtre.

— Je dois insister pour avoir des preuves. Si nous permettons qu’on nous accuse ainsi sans preuves, mademoiselle Viefville, nous serons vaincus par notre propre faute.

C’est une belle illustration que celle de l’antiquité, dit la gouvernante.

— Si vous insistez sur des preuves, que répondrez-vous au mot de Cupponi ? « Faites sonner vos trompettes, et je vais faire sonner mes cloches. » Et que direz-vous des Von Erlachs, famille qui pendant cinq siècles s’est toujours montrée prête à résister à l’oppression et aux invasions ?

— Tout cela est très-vrai, et cependant j’avoue que ce n’est pas sous ce point de vue que nous avons coutume de considérer la société américaine.

— Cependant je présume qu’un descendant de Washington, jouissant d’une réputation, et occupant ici une situation digne de ce nom, ne passerait pas tout à fait pour un homme du commun ?

— Si vous me serrez de si près, miss Ève, il faut que j’appelle miss Van Courtlandt à mon secours.

— N’attendez aucun appui de ce côté. Miss Van Courtlandt