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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/379

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plus grande publicité possible aux événements qui m’ont fait retrouver mon fils.

— Je ne vois aucune nécessité d’entrer dans de bien grands détails, John, dit M. Effingham. Vous vous êtes marié jeune, vous avez perdu votre femme au bout d’un an de mariage ; c’était une miss Warrender, sœur de lady Dunluce ; par conséquent, Paul et Ducie sont cousins-germains, et le premier, dont vous ignoriez l’existence, est votre fils ; voilà tout ce que nous avons besoin de dire. Personne n’aura la présomption de douter de ce que nous affirmerons, et il me semble que toute personne raisonnable doit se contenter de ce simple exposé de l’affaire.

— Quoi ? mon père ! s’écria Ève joignant ses jolies petites mains dans l’attitude de la surprise ; dans quelle capitale, dans quelle partie du monde, une explication si simple pourrait-elle satisfaire la curiosité ? Elle la satisfera bien moins encore ici, où tout être riche ou pauvre, instruit ou ignorant, poli ou grossier, s’imagine que la constitution le rend juge de tout ce que font ses semblables.

— Nous avons du moins la consolation de savoir que rien de ce que nous pourrons dire ne rendra l’affaire pire ou meilleure, dit Paul ; car, dans tous les cas, chaque commère aura son histoire à raconter, quand même la fausseté en serait aussi évidente que la lumière du soleil en plein midi. Le commérage vit essentiellement de mensonges, et la vérité est la dernière chose à laquelle il pense. Un fait authentique et bien prouvé est même pour lui le coup de la mort. J’espère donc, mon cher Monsieur, que vous vous bornerez à dire que je suis votre fils légitime ; fait trop précieux pour moi, pour que je puisse désirer qu’il reste secret.

John Effingham jeta un regard d’affection sur le noble jeune homme qu’il aimait et qu’il estimait depuis si longtemps, et ses yeux se mouillèrent de larmes en goûtant ce bonheur suprême qui ne peut être senti que par le cœur d’un père.