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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/410

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autres créatures, elle marchait avec plus d’aisance quand elle était enfant, qu’elle ne le fait à présent qu’elle est dans la maturité de l’âge.

— M. John Effingham aime à plaisanter, dit M. Wenham avec dignité ; car quoiqu’il fût aussi crédule qu’on peut l’être sur le sujet de la supériorité de l’Amérique, il n’était pas tout à fait aussi maniable que les partisans de l’école anglo-américaine, qui ordinairement laissent gouverner par leurs maîtres toutes leurs facultés et même leur bon sens sur tout ce qui a rapport à leur faible. Je crois, ajouta-t-il, que chacun convient que les Américains donnent plus qu’ils ne reçoivent dans leurs relations avec les Européens.

L’expérience et le savoir-vivre de ceux qui écoutaient ce jeune homme ne leur permirent que de sourire à la dérobée, et la conversation tomba sur d’autres objets. Il ne fallait pas d’efforts pour se livrer à la gaieté dans une pareille occasion ; et contre les usages du wigwam, où les hommes avaient coutume de quitter la table en même temps que les dames, le capitaine Truck, John Effingham, M. Bloomfield, M. Howel et M. Wenham y restèrent jusqu’à une heure assez avancée de la nuit. Il s’y fit une grande consommation d’excellent bordeaux, et il fut permis au brave capitaine de fumer son cigare. Vers minuit il jura qu’il avait presque envie d’écrire une lettre à mistress Hawker pour lui offrir sa main car, pour son cœur, elle savait fort bien qu’elle le possédait depuis longtemps.

Le lendemain matin, dans un instant où tout était tranquille dans la maison, parce que la plupart de ceux qui s’y trouvaient en étaient sortis pour aller faire une promenade à pied, à cheval, ou en bateau, Ève était dans la bibliothèque, où son père l’avait laissée quelques instants auparavant pour monter à cheval. Elle était assise devant une table, occupée à écrire à une vieille parente pour lui faire part de son mariage. La porte était restée entr’ouverte, et Paul, qui cherchait sa jeune épouse, y parut inopinément. Son pas avait été si léger, et notre héroïne donnait si exclusivement toute son attention à sa lettre, qu’elle ne s’aperçut pas de l’arrivée de son mari, quoique son oreille eût appris depuis bien longtemps à distinguer la marche de Paul, et son cœur à battre en en reconnaissant le bruit. Une belle femme ne paraît peut-être jamais plus aimable et plus séduisante que lorsque, dans un déshabillé élégant du matin, elle semble aussi fraîche que le